Dans un Proche-Orient recru d’épreuves, saturé de conflits et meurtri depuis près d’un siècle, il y a ceux qui s’emploient à enterrer la paix et ceux qui préparent la guerre, avec la seule conviction que seul compte le rapport de force sur le terrain.
Par Hassen Zenati
Le coronavirus a donné un fragile sursis aux Palestiniens. Dans un Israël replongé dans la pandémie, partiellement re-confiné, le sulfureux Premier ministre Benjamin Netanyahu se comporte comme s’il avait à présent d’autres chats à fouetter que de s’occuper de l’annexion de plus de territoires palestiniens. Il croit avoir l’affaire dans le sac et sa «cause» définitivement acquise, avec la bénédiction du président des Etats-Unis Donald Trump, dans le silence assourdissant de la communauté internationale tétanisée.
La «start-up nation» obligée de se reconfiner
La «start-up nation», qui a échappé à une première vague de la pandémie avec peu de dégâts, selon les données officielles, est désormais sous la menace d’une seconde vague de contamination, qui risque d’être plus meurtrière que la première.
La seule préoccupation de Benjamin Netanyahu, déjà sous le coup de plusieurs procès pour corruption, fraude et abus de pouvoir, est de se préparer à en décliner les conséquences sur son long règne en exhibant du fameux «responsable, mais pas coupable».
Depuis le 6 juillet, le pays est déjà en re-confinement partiel. Bars, boîtes de nuit et salles de sport ont été contraints de refermer immédiatement, ainsi que les salles de fête et les centres sportifs pour tenter d’enrayer la reprise de l’épidémie, marquée par une hausse soutenue du nombre d’infections au coronavirus. Les synagogues ne peuvent plus accueillir que 19 fidèles à la fois. Dans les restaurants, le nombre de couverts est limité à 20 à l’intérieur et 30 à l’extérieur. Les bus ne sont plus autorisés à transporter plus de 20 passagers à la fois.
Alarmé par cette flambée, qui ne semble pas avoir été anticipée, le ministre de la Santé Yuli Edelstein a averti qu’un confinement total à l’échelle du pays pourrait être ré-imposé si le nombre d’infections quotidiennes, qu’il a qualifié de «feu rouge», atteignait les 2.000. Les derniers relevés donnaient en fin de semaine un nombre de cas recensés quotidiens tournant autour de 1.500 infections.
La Cisjordanie occupée compte désormais 450.000 colons israéliens
Le dossier des confiscations des terres palestiniennes, qui a ainsi régressé dans l’échelle des priorités, n’en est pas abandonné pour autant. Il s’agit ni plus ni moins que d’annexer en plus des colonies illégales au regard du droit international implantée en Cisjordanie occupée, comptant désormais quelque 450.000 Israéliens, la vallée du Jourdain où vivent 2,8 millions de Palestiniens, pour ne plus laisser à ces derniers que les sables arides du désert. Le projet entre dans le cadre du «plan de paix du siècle» conçu par les Israéliens et dévoilé en janvier par le président Donald Trump et son gendre Jared Kuchner.
Pour Netanyahu, c’est une «opportunité historique» de réaliser le «rêve sioniste», d’une part, et d’aider ainsi Washington à remodeler le Moyen-Orient à sa main et à son profit, d’autre part. Il veut jouer «gagnant-gagnant», quitte à fouler aux pieds un principe intangible de droit que la communauté internationale a fait sien depuis la fin de la seconde guerre mondiale, interdisant à un pays de s’emparer par la force d’un territoire appartenant à un autre.
Ainsi lorsque l’Argentine de la junte militaire avait envahi les Malouines en 1982, c’est au nom de ce principe que le Royaume Uni lui a fait la guerre pour récupérer le territoire spolié. Même constat lorsque l’Irak avait occupé en 1990 Koweït. Les Nations Unies avaient autorisé une intervention miliaire internationale pour chasser l’armée irakienne hors de ce pays. Les Palestiniens se sentent d’autant plus légitimes à dénoncer le projet de Netanyahu que la résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU de 1967, avait reconnu «l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre».
Netanyahou et Trump balisent la voie à de nouvelles confrontations
Mais en annexant Jérusalem-Ouest, puis le plateau du Golan syrien, les dirigeants sionistes avaient déjà montré le peu de cas qu’ils faisaient du droit international et qu’ils n’hésiteront pas, comme à leur habitude, à mettre le monde entier devant le fait accompli, malgré le rejet sans appel de leur projet par l’Autorité palestinienne, qui ne veut plus négocier la paix que l’égide du Quartet : Etats-Unis, Union Européenne, Russie et Nations Unies, après avoir épuisé tous ses recours auprès de Washington. Le Quartet est l’auteur en 2003 d’une feuille de route visant la reconnaissance par Israël d’un Etat palestinien et la fin des attentats. Depuis, les dirigeants sionistes se sont employés méthodiquement à rendre impossible la création d’un Etat palestinien viable.
Le plan Trump-Jared-Netanyahu ferait de la terre palestinienne une peau de léopard d’agglomérations éparses subissant un apartheid israélien de fait. Mais pour Netanyahu, qui l’a écrit au dernier congrès des Evangélistes, ses principaux soutiens aux Etats-Unis, «ce qui est bon pour Israël, est bon pour les Palestiniens, et bon pour la paix».
Ce nouveau projet d’annexion pourrait-il devenir la goutte d’eau qui ferait déborder le verre de l’arrogance israélienne ? Alors que les Palestiniens continuent à manifester vigoureusement contre le plan israélo-américain, un nombre croissant d’organisations internationales font bloc avec eux en criant : «Ça suffit». En Israël même, des voix s’élèvent, y compris au sein de la haut hiérarchie militaire, pour condamner un processus qui ne peut conduire qu’à plus de souffrances en balisant la voie à de nouvelles confrontations.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a prévenu que «si elle était mise en œuvre, l’annexion constituerait une violation très grave du droit international, compromettrait gravement la perspective d’une solution à deux États et réduirait à néant les possibilités de reprise des négociations».
Une annexion contraire au droit et à la paix
L’Union européenne, qui reconnaît toujours les frontières de 1967 d’avant la guerre des six jours, comme base de négociations pour la paix, affiche son opposition au plan américain et un millier de parlementaires européens ont signé une pétition contre le projet d’annexion de nouveaux territoires palestiniens. Pour Michelle Bachelet, haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, «l’annexion est illégale. Point final. Comme toute annexion, qu’il s’agisse de 30% de la Cisjordanie ou de 5%»
Le Premier ministre britannique Boris Johnson, pourtant farouche défenseur d’Israël, a pour sa part plaidé pour l’arrêt du projet d’annexion, en estimant qu’il ne serait pas dans l’intérêt d’Israël.
Le président français Emmanuel Macron a demandé au Premier ministre israélien de renoncer à son projet d’annexion qui serait «contraire au droit international et à l’établissement d’une paix durable», lui a-t-il dit.
L’ex-président de l’Agence juive mondiale, ancien président de la Knesset israélienne, Avraham Burg, soulignait début juillet dans un entretien au quotidien communiste français ‘‘L’Humanité’’ : «Le monde a besoin de plus de dialogues, pas d’arrogances supplémentaires. L’annexion, en dehors du fait qu’elle est fondée sur un postulat politiquement faux, nuit aux mesures politiques nécessaires pour le monde, la région et les communautés nationales palestiniennes et juives. Israël dénie les droits démocratiques des Palestiniens».
La Palestine dans le néant
Seules les monarchies du Golfe, Arabie Saoudite en tête, hantées par la menace iranienne, se terrent, en se contentant des tièdes résolutions de la Ligue arabe, condamnant du bout des lèvres un projet qui risque de faire la Palestine dans le néant. Aussi, beaucoup de regards palestiniens sont désormais tournés vers le candidat démocrate à la présidence des Etats-Unis Joe Biden, qui pourrait, selon eux, renverser la vapeur. Par conviction personnelle, il est en effet pour «la solution à deux Etats» qu’il a défendue sous la présidence de Barack Obama, dont il était le vice-président. Avec ce seul bémol, qu’il ne soit pas «retourné» par les lobbies sionistes très actifs sur le sujet. Ils avaient en effet réalisé le même exploit en «retournant» Hillary Clinton, passée à farouche adversaire des Palestiniens, après avoir longtemps soutenu leur droit à un Etat indépendant.
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