Nous reproduisons ci-dessous cet appel à la libération du journaliste et écrivain Taoufik Ben Brik émanant d’un comité international composé de journalistes, d’artistes et d’intellectuels.
Nous avons appris avec indignation l’emprisonnement, le 24 juillet 2020, du journaliste et écrivain tunisien Taoufik Ben Brik qui a appris fortuitement – à l’occasion des funérailles de son frère – l’existence d’un jugement le condamnant par contumace à une peine de 2 années d’emprisonnement. La procédure d’opposition à ce jugement par défaut s’est soldée par une condamnation ferme à un an d’emprisonnement avec mandat de dépôt (immédiat) ! TBB est désormais, comme du temps de Ben Ali, derrière les barreaux !
Cette affaire remonte à la campagne électorale de 2019 au cours de laquelle le journaliste avait critiqué, il est vrai, sévèrement l’instrumentalisation de la justice par certains politiques qui a conduit à l’emprisonnement arbitraire du candidat Nabil Karoui… lequel sera finalement libéré par suite d’un retournement de position spectaculaire de la Chambre criminelle de la Cour de cassation tunisienne.
La condamnation de Ben Brik à une peine privative de liberté est totalement contraire aux dispositions expresses de l’article 56 du Décret-loi n° 2011-115 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de la presse, de l’impression et de l’édition, qui sanctionne «la diffamation» d’une amende de 1000 à 2000 dinars, ainsi que l’article 57 qui puni «l’injure» de la moitié du montant de la précédente amende. Il n’est nulle part prévu dans cette loi spéciale (qui l’emporte sur tout texte général) des sanctions autres que l’amende concernant ces deux infractions.
Il s’agit-là incontestablement d’un précédent d’une particulière gravité portant atteinte de manière on ne peut plus illégale à l’un des principaux acquis de la révolution tunisienne, à savoir la liberté de presse et d’expression. Aucune démocratie véritable ne punit les délits de presse par l’emprisonnement, et l’on se souvient tous de la célèbre phrase de De Gaulle (quoi qu’on puisse en penser) face à ceux qui cherchaient à emprisonner Sartre (à cause de son appel à tuer les colonialistes dans sa préface des «damnés de la terre» de Fanon) : «On n’embastille pas un Voltaire !», leur avait répondu le Général. La loi précédemment citée a le grand mérite de consacrer ce principe, pour la première fois, en droit tunisien. Méconnaître cette règle juridique fondamentale dans une société démocratique équivaut à renouer avec les pratiques liberticides d’ancien régime.
Le Comité International pour la Libération de Taoufik Ben Brik s’insurge contre cette injustice flagrante et :
– condamne de la manière la plus ferme l’emprisonnement arbitraire du journaliste et écrivain T. Ben Brik ;
– exige sa libération immédiate, pure et simple, car la loi applicable en la matière ne prévoit nullement l’emprisonnement dans son cas, mais uniquement une amende;
– rappelle que le juge (en particulier en matière pénale) n’a pas le droit d’ajouter à la loi;
– émet l’espoir que les juges du second degré rétabliront le droit. Il y va de la liberté d’un homme et de l’honneur de la justice;
– invite tous les défenseurs des libertés et des droits à se mobiliser pour défendre la liberté de presse et d’expression.
Comité international pour la libération de Taoufik Ben Brik :
Jean Pierre Tuquoi (Le Monde, France)
Jullia Ficatier (grand reporter, France)
Edwy Plenel (Médiapart, France)
Houcine Bardi (avocat, France)
William Bourdon (avocat, France)
Rosa Moussaoui (grand reporter, L’Humanité, France)
Rafik Boukhris (professeur en médecine, Tunisie)
Ali Lamrabet (journaliste, Maroc)
Abdelaziz Belkhodja (éditeur, Tunisie)
Ihsane El Kadi (journaliste, Algérie)
M’Rad Gadhoumi (océanographe)
Kamel Jendoubi (militant des Droits de l’homme)
Nabil Akrimi (avocat, Tunisie)
Pierre Barrot (journaliste, France)
-Z- (caricaturiste, Tunisie)
Takriz
Nessim Ben Gharbia (chroniqueur, Jeune Afrique)
Taoufiq Omrane (caricaturiste, France)
Amine Snoussi (essayiste et journaliste, Tunisie)
Hosni Hertelli, alias Shoof (artiste peintre France)
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