Ali Hafsi Jeddi, député RCD de 2004 à 2011 et qui est aujourd’hui ministre chargé de la Relation avec le Parlement dans le gouvernement Fakhfakh fait partie de cette catégorie de Rcdistes qui se sont refaits une virginité après la révolution en se rapprochant des islamistes et de leur chef Rached Ghannouchi. Il est aujourd’hui reconduit par Hichem Mechichi dans son gouvernement dit indépendant.
Par Imed Bahri
Ali Hafsi Jeddi, qui fut jusqu’au 27 juillet dernier secrétaire général de Nidaa Tounes et connu pour sa proximité notoire avec Ennahdha et Rached Ghannouchi en particulier, est proposé pour garder son portefeuille ministériel dans le soi-disant indépendant gouvernement Mechichi.
Abir Moussi, la très bien informée présidente du Parti destourien libre (PDL) qui, elle, n’a pas renié son passé Rcdiste ni courbé l’échine devant les islamistes après 2011 et qui a passé au crible aussi bien la structure du gouvernement Mechichi que ses membres, a déclaré qu’Ali Hafsi Jeddi, proposé au poste de ministre chargé de la Relation avec le parlement, n’est pas «indépendant». Elle a rappelé qu’il était encore affilié à un parti politique il y a encore quelques semaines, puisqu’il était secrétaire général de Nidaa Tounes jusqu’à sa destitution, le 27 juillet dernier, la direction de ce parti considérant que ce dernier avait été imposé par le fondateur du parti Feu Béji Caïd Essebsi, et son fils, Hafedh, peu de temps avant l’exil volontaire de ce dernier à l’étranger (les mauvaises langues parlent de fuite).
Abir Moussi s’est montrée catégorique : «Ali Hafsi est l’oeil de Ghannouchi et de la coalition Al-Karama au sein du gouvernement».
Petit rappel du parcours d’une grande girouette politique
Il est clair que l’indépendance d’Ali Hafsi Jeddi est une farce. Un petit rappel de son parcours politique et partisan qui remonte au début des années 1990 s’impose. Il a en effet occupé le poste de premier adjoint du maire de Tozeur entre 1995 et 2000. En parallèle, il a présidé le syndicat de l’orientation touristique en 1998. Il est élu député en 2004, puis réélu en 2009, sous les couleurs du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) du président Zine El-Abidine Ben Ali. Il a donc été député RCD du 19 novembre 2004 au 9 février 2011 soit exactement 6 ans, deux mois et 23 jours. Il a présidé également la Fédération tunisienne de football de 2010 à 2011, poste auquel l’ancien régime ne tolérait que les siens.
Après une petite traversée du désert, Ali Hafsi Jeddi est élu maire de Tozeur en 2018 sous les couleurs de Nidaa Tounes, il entre à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en 2019 sur une liste du même parti. Quand Hafedh Caïd Essebsi a pris la poudre d’escampette et s’est auto-exilé à Paris après le décès de son père, en juillet 2019, il a confié les rênes de Nidaa Tounes à… Ali Hafsi Jeddi comme par hasard! Le fils du Bajbouj est connu pour son goût des amitiés affairistes comme, par exemple, ses amis Nabil Karoui et Chafik Jarraya. Ainsi, donc, Ali Hafsi Jeddi a été secrétaire général de Nidaa Tounes de juillet 2019 jusqu’au 27 juillet dernier.
Son «indépendance présumée», il ne l’a nullement voulue, mais elle lui a été imposée par ses anciens camarades qui l’ont exclu de Nidaa Tounes.
L’homme du rapprochement avec Ennahdha
Sur un autre plan, Ali Hafsi Jeddi, qui n’est pas du genre à mettre tous ses œufs dans un même panier, est très proche d’Ennahdha, de Rached Ghannouchi et de son gendre Rafik Abdessalem avec lequel Hafsi Jeddi a souvent été aperçu en train de siroter un café dans le quartier de Riadh El Andalous (gouvernorat de l’Ariana), quartier où réside Ghannouchi et sa smala. Ils n’étaient certainement pas en train de discuter de la recette du jour et encore moins de la grande littérature, Ali Hafsi Jeddi n’étant pas connu pour être un cérébral mordu du doyen de la littérature arabe Taha Husseïn et du poète Ilya Abou Madhi comme le très livresque président Kaïs Saïed. Et la proximité de Hafsi Jeddi avec les islamistes n’est pas un mystère, bien au contraire! Le journal gratuit ‘‘24/24’’, proche d’Ennahdha et surtout de Sayed Ferjani, lui a consacré un article élogieux, vendredi 28 août 2020, indiquant qu’Ali Hafsi Jeddi est l’homme des rapprochements entre les partis et un opposant fort et irréductible aux batailles.
Tout ce beau parcours pas du tout intéressé et pas du tout opportuniste nous indique que Ali Hafsi Jeddi est tout sauf indépendant aussi bien organiquement (indépendance partisane) qu’indépendant de fait (proximité avec le pape des islamistes).
Donnez votre avis