La Covid-19 s’est introduite dans notre vie quotidienne et s’y est bien incrustée. Elle nous a conduits à remettre en cause de nombreuses habitudes. Durant le premier épisode de la pandémie, les fêtes des mariages ont été réglementées et seule la présence d’un nombre très restreint d’invités a été autorisée. Avec la seconde vague, la limitation de l’effectif des invités sera certainement renforcée. Serait-ce la fin des fêtes de mariage somptueuses et onéreuses ?
Par Pr Ridha Bergaoui *
Que ce soit un mariage traditionnel ou moderne, les dépenses se comptent en dizaines de milliers de dinars. Entre salle des fêtes, orchestre, gâteaux, boissons et repas auxquels il faut ajouter le costume de la mariée, la coiffure-maquillage, ainsi que le costume du marié, les fleurs, les bagues, les frais photos et vidéos… et j’en passe, il y a de quoi se ruiner. Il faut ajouter tout le reste depuis la préparation du logement, les meubles, le voyage de noces et les fêtes avant le mariage (fiançailles, henna, hammam, outiya…). Chaque région a également ses traditions qu’il faut scrupuleusement respecter dont les cadeaux de bijoux en or qu’il faut apporter à la mariée.
Des fêtes qui reviennent très chères
Toutes ces dépenses avec tous les tracas qui en découlent pour organiser et mettre en place, toutes ces cérémonies font que la plupart de nos jeunes réfléchissent beaucoup avant de s’engager.
Heureusement que les parents sont là et qu’ils sont décidés, quitte à s’endetter ou vendre des biens, à donner un sérieux coup de main afin de voir leur enfant heureux et casés. D’autres sont déjà découragés et évitent de penser carrément au mariage quitte à rester célibataires toute la vie. D’autres optent pour une cérémonie minimale de fiançailles à la municipalité et une petite fête à la maison et le tour est joué.
Toutefois nombreux vous diront qu’on ne se marie qu’une fois dans la vie, et que les dépenses seront tout à fait justifiés pour jouir de cette journée mémorable, exceptionnelle et inoubliable, une nuit où on est censé être au comble du bonheur. D’autres vous diront que cela ne vaut pas d’engager autant de dépenses puisqu’on sera toujours critiqué et qu’au retour de la fête, les bonnes mères auront toujours quelque chose à critiquer quel que soit le degré d’attention et l’organisation minutieuse qu’on peut apporter à cette cérémonie.
La pandémie Covid-19 va nous accompagner longtemps
Et voilà que le maudit et méchant coronavirus est toujours là et va nous accompagner probablement pour quelques années encore et avec qui il faut savoir composer et vivre au quotidien. Cette pandémie a bouleversé notre quotidien, elle a tué beaucoup de personnes, provoqué la faillite de plusieurs entreprises, a mis au chômage des dizaines de milliers de travailleurs et continu encore à faire des ravages tant qu’on n’a pas trouvé le moyen efficace de l’éradiquer et l’éliminer (vaccin, médicament ou autre).
À l’arrivée de la première vague de l’épidémie, plusieurs personnes étaient déjà engagées dans l’organisation du mariage et ont réservé et versé des arrhes pour la location de la salle des fêtes et tous les intervenants.
L’épidémie a tout bouleversé. Certains ont reporté la date du mariage avec toutes les incertitudes qui planaient autour de l’épidémie, d’autres ont carrément annulé, enfin certains ont réduit la fête au strict minimum avec un nombre très réduit d’invités, conformément aux recommandations des autorités.
Le déconfinement, au mois de mai, a redonné l’espoir de se débarrasser de la pandémie pour un retour à la normale. Mais voilà qu’elle revient en force et frappe plus mal que lors de la première vague.
Des fêtes à très haut risque de contagion et de contamination
Les fêtes de mariage chez nous concernent les deux familles des mariés et regroupent d’habitude entre 300 et 400 personnes. Ces grandes cérémonies présentent d’énormes risques de contagion. Aussi bien en Tunisie qu’ailleurs, les réceptions de mariage ont conduit à de nombreuses contaminations soit directement lors de cette fête ou indirectement suite à la contamination par un invité qui a assisté à l’événement. Plusieurs personnes sont tombées gravement malades et des cas de mortalité ont été rapportés.
Lors de ces rassemblements, le risque de la présence d’une ou plusieurs personnes atteintes est très grand, surtout qu’il peut y avoir des jeunes porteurs asymptomatiques. Ces festivités avant à la fois de jeunes éventuels porteurs du virus et des personnes plus âgées et très sensibles au virus. Le porteur peut être parmi les invités, les membres de l’orchestre, le personnel de la salle de mariage ou des prestataires. Les mariés peuvent également être à l’origine de la contagion. On a bien vu un marié, atteint de la Covid-19, organiser son mariage sans dévoiler à personne sa contamination. Vous pouvez imaginer le nombre d’embrassades et d’accolades qu’il a échangé avec ses invités, comme nous avons bien l’habitude de le faire en de pareilles circonstances. Ce marié a été à l’origine de la contamination de nombreuses personnes.
Vers des fêtes plus simples, moins onéreuses et surtout moins risquées
Les habitudes et traditions, la mentalité de faire mieux que le couple untel, la pression des beaux-parents et l’entourage tiennent en otage les mariés et les poussent à s’engager dans des festivités surdimensionnées. Avec la Covid-19, fini les mariages fastes et grandioses, les grandes cérémonies. Dorénavant les fêtes de mariage seront beaucoup plus modestes.
La pandémie nous a démontré qu’on peut faire les choses différemment et qu’on peut vivre autrement. On se rend compte qu’on peut se marier plus simplement sans gâcher le plaisir et le bonheur de rassembler un cercle très restreint d’intimes et de fêter un jour censé être inoubliable. Cette épidémie peut nous débarrasser du cran des traditions et des us et coutumes auxquels on s’habitue aveuglement. Faire une belle fête n’est pas forcément synonyme de fête grandiose avec des centaines d’invités; on peut faire une petite cérémonie mais bien soignés dans tous les détails.
Par ailleurs les mariages représentent un grand marché très juteux qui intéresse non seulement les professionnels de cette activité avec tous les prestataires mais également des parasites, des profiteurs et des arnaqueurs de tout bord.
Le mariage en ligne pourrait gagner en popularité
Les frais exorbitants du mariage représentent le frein principal au mariage des jeunes dont beaucoup ont opté pour le célibat. Profiter des nouvelles habitudes sanitaires imposées suite à la Covid-19, et surtout la limitation du nombre d’invités et l’allégement des festivités encourageraient les jeunes à se marier et permettraient aux couples de faire des économies qu’ils pourraient utiliser autrement qu’à enrichir l’armada de professionnels et des profiteurs des mariages.
Et pourquoi pas ne pas penser au mariage en ligne. En Chine, et depuis la pandémie et l’interdiction des rassemblements de nombreuses personnes, les mariages en ligne se sont multipliés. C’est ainsi que des milliers de personnes se sont mariés, tout en respectant les traditions spécifiques, sans la présence d’aucun invité mais dont le mariage fut suivi en direct, sur des plateformes inventées à cette fin, par des millions d’abonnés y compris parents, proches et amis. Ce type de mariage en ligne est de plus en plus populaire.
* Professeur d’université à la retraite.
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