Notre pays est endeuillé par environ 15 décès par jour liés à l’épidémie du coronavirus (Covid-19) et ce chiffre va progressivement augmenter de façon effrayante. Une conscience collective est plus que nécessaire. La cohabitation avec le virus est plus compliquée que prévue car nous l’avons laissé profiter du relâchement estival, en plus de la responsabilité de ceux qui étaient en poste au moment de l’ouverture des frontières, le 27 juin dernier.
Par Pr Faouzi Addad
J’invite ceux qui vont annoncer ce soir, samedi 3 septembre 2020, les nouvelles mesures pour ralentir la progression du coronavirus en Tunisie à bien regarder attentivement ces deux courbes c–dessous qui grimpent de façon exponentielle et probablement parmi les plus puissantes en terme de progression dans le continent africain.
Nous avons déjà perdu suffisamment de temps et le virus est pratiquement rentré dans plus de 10% des foyers tunisiens, rendant la situation presque irréversible. Nous sommes aussi arrivés à un taux de positivité de tests trop élevé aux alentours de 24% et ceci sans tenir compte des nombreuses personnes positives non testées sur la base de symptômes typiques avec un contact évident. Notre capacité de test est dépassée depuis plusieurs semaines et nous sous-estimons les dégâts.
Un manque flagrant de de médecins réanimateurs
N’oublions pas qu’augmenter les lits de réanimation supposera d’augmenter aussi le nombre de médecins réanimateurs qui n’existent plus en nombre suffisant en raison de l’exode massif de nos compétences et qui, malheureusement, à ce stade, sauvent très peu de vies.
Nous avons surtout besoin de plus de lits avec des sources d’oxygène et d’augmenter notre capacité de prendre en charge très tôt les patients.
À ceux qui proposent de maintenir cette situation jusqu’à l’arrivée du vaccin, je dis ceci : vous avez eu un avant-goût, hier, avec le vaccin de la grippe saisonnière, de ce qui nous arrivera avec celui de la Covid-19, qui n’arrivera peut-être même pas aux officines (cela me rappelle les billets des matches de foot introuvables aux guichets).
Soyons pragmatiques. Il y a des actions qui ont marché et nous devons les réitérer malgré leurs coûts économiques.
Tout d’abord, on doit décréter un couvre feu dans les régions à grande circulation du virus.
Puis, on doit rétablir les centres d’isolement obligatoire pour les cas positifs dans les hôtels vides, car je vois trop de gens positifs circuler librement dans les lieux publics. C’est inadmissible à ce stade. Imposer une forte sanction aux individus testés positifs qui seront retrouvés à l’extérieur.
La cohabitation avec le virus est plus compliquée que prévue
On doit également changer notre stratégie de dépistage avec les tests salivaires antigéniques pour une réponse rapide (en 20 mn) dans les hôpitaux sur les patients suspectés Covid-19.
Il faut, par ailleurs, un strict respect des mesures barrières et notamment le port du masque dans tous les lieux et transports publics et je demande à tous ceux qui ont prévu des rassemblements, des mariages ou des soirées musicales de les reporter. L’esprit n’est pas à la fête en ce moment, trop de familles pleurent leurs morts.
Notre pays est endeuillé par environ 15 décès par jour liés à cette épidémie et ce chiffre va progressivement augmenter de façon effrayante. Une conscience collective est plus que nécessaire. La cohabitation avec le virus est plus compliquée que prévue car nous l’avons laissé profiter du relâchement estival, en plus de la responsabilité de ceux qui étaient en poste au moment de l’ouverture des frontières, le 27 juin dernier.
Mais maintenant l’heure n’est plus aux regrets mais aux actions fortes conduites d’une main de fer. Trop de temps perdus, trop de discours non rassurants et trop peu d’actions sur le terrain. Rappelez-vous : l’Italie, la France et l’Espagne sont autant de pays avec des moyens qui nous dépassent de loin et qui ont souffert lors de la première vague en raison d’un retard pris dans la prise de décision.
Soyez courageux… Mettez la santé des citoyens au cœur de votre réflexion et de vos décisions.
* Professeur de cardiologie.
Donnez votre avis