On a de la peine à croire que Abdellatif Aloui, chef du bureau politique de la coalition Al-Karama, satellite du parti islamiste Ennahdha, est un député, donc un législateur et un gardien de la loi, puisqu’il défend les hors-la-loi du paysage audio-visuel et appelle à instaurer l’anarchie dans ce secteur.
Par Imed Bahri
Dans un post diffusé sur la page Facebook de la coalition Al-Karama, le député écrit ceci (nous traduisons) : «La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), dont le mandat s’est achevé et qui n’a plus aucune légitimité depuis le 3 mai 2019, demande à la chaîne Hannibal d’arrêter immédiatement sa diffusion. Elle ne se soucie même pas du sort de ceux qui y travaillent comme journalistes, techniciens et ouvriers. Vous admettez maintenant que la Haica est devenue un instrument idéologique et politique de destruction ?! Nous soutenons la chaîne Hannibal dans la défense de son droit et de celui de ses enfants.»
Ce post, écrit dans le cadre d’une campagne visant à mettre à mettre fin au système de régulation audiovisuelle, menée par la «troïka» du désordre et de l’anarchie constituée par Ennahdha, Qalb Tounes et Al-Karama, et à légaliser ainsi les nombreuses chaînes illégales qui sont au service de ces partis (Nessma, Zitouna, Hannibal), est truffé de mensonges et de contre-vérités.
Les mensonges de M. Aloui
D’abord, le mandat de la Haica n’est pas terminé, car il ne se termine légalement qu’avec la mise en place de l’Instance de communication audiovisuelle (ICA), qui devait voir le jour avant 2019 et dont la constitution a pris du retard, en raison justement de l’anarchie régnant à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et du peu d’empressement montré par les députés, notamment ceux d’Ennahdha, à achever le processus de mise en place du disposition constitutionnel dont le pays a besoin pour protéger son système démocratique.
Autre mensonge, par omission celui-là, la Haica a une bonne raison pour demander à Hannibal TV d’arrêter immédiatement sa diffusion, car la licence attribuée à ladite chaîne est caduque, celle-ci ayant changé de propriétaires à plusieurs reprises et dans des circonstances pour le moins obscures. Désormais gérée par des parties proches du parti Ennahdha, on ne sait rien de ses financements.
Appelée à plusieurs reprises par la Haica à apporter des éclaircissements sur la composition de son actionnariat, si actionnariat il y a, sur l’identité de ses propriétaires et sur ses moyens de financement, la chaîne fondé par Larbi Nasra sous le règne de Ben Ali a toujours refusé de se conformer au décret-loi n° 116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la communication audiovisuelle, et de signer le cahier des charges imposé à tous les autres médias audiovisuels exerçant légalement (radios et télévisions). Ses propriétaires ont visiblement des choses à cacher, et notamment leurs sources occultes de financement, de sorte que l’on est autorisé à penser qu’il s’agit d’argent sale et que la chaîne n’est qu’une blanchisseuse de l’argent de l’Organisation internationale de Frères musulmans.
La porte ouverte à l’anarchie
À quelques différences près, les chaînes Nessma, appartenant à Nabil et Ghazi Karoui, président et député Qalb Tounes, et la chaîne islamiste Zitouna TV, proche d’Ennahdha, sont dans la même situation d’illégalité.
C’est cette anarchie, propice à tous les abus, que M. Alaoui et les membres d’Al-Karama défendent et qu’ils cherchent à imposer par la force de la loi en faisant voter par l’Assemblée un projet de loi amendant le décret n° 116 et vidant le système de régulation audiovisuelle de toute sa substance, soutenus dans cette démarche destructrice, par une curieuse coïncidence, par les députés Ennahdha et Qalb Tounes. Bref une véritable entente criminelle…
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