Le colonel-major Hichem Medded, ancien porte-parole du ministère de l’Intérieur sous la «troïka», réputé pour sa proximité avec Ennahdha, a, dans une émission télévisée sur la chaîne Zitouna, elle aussi proche d’Ennahdha, porté de fausses accusations contre Kapitalis et contre son directeur, l’auteur de ces lignes, ainsi que des menaces à peine voilées.
Par Ridha Kéfi
Les propos de M. Meddeb sont très graves et méritent que l’on s’y arrête. Dérangé par les positions exprimées par nos journalistes et chroniqueurs à la suite de la décapitation de Samuel Paty, l’enseignant d’histoire géographie, devant son lycée et ses élèves, à Paris, par un terroriste islamiste, et notamment notre dénonciation ferme des propos de certains dirigeants politiques tunisiens justifiant le terrorisme, M. Meddeb a cru devoir porter sur nous deux graves accusations.
Il a d’abord affirmé que j’étais l’ami de Ben Ali, ce que tous les collègues démentiront catégoriquement, car non seulement je n’étais pas l’ami de l’ancien président, que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam, mais ce dernier avait ordonné mon limogeage de la direction de l’hebdomadaire ‘‘L’Expression’’, en 2008 (j’étais arrivé le matin à mon bureau, je le trouvais fermé et scellé et je fus remplacé la matinée même par un collègue).
À l’époque, le dictateur et ses sbires me reprochaient mes déclarations publiées dans médias internationaux sur le caractère autoritaire du régime en place à Tunis, propos qui avaient été repris dans des rapports de l’Administration américaine, publiés dans le cadre de l’affaire Wikileaks. À l’époque, M. Meddeb faisait peut-être partie des policiers qui me surveillaient et faisaient des rapports sur moi, mais cela je peux aisément l’imaginer mais je n’en ai pas la preuve.
Suite à ce limogeage brutal, j’ai passé les deux dernières années du règne de Ben Ali au chômage, avant de créer Kapitalis, fin 2010, peu de temps avant la chute de ce dernier. Et cela tous les collègues le savent et en témoigneront.
Autre diffamation dont je fus l’objet : croyant pouvoir entacher nos positions de principe contre l’islam politique, positions que tous nos lecteurs connaissent et que beaucoup apprécient – islam politique dont M. Meddeb est, depuis la chute de Ben Ali, le servile serviteur –, l’ancien officier de police a affirmé que Kapitalis est financé par l’ambassade de France en Tunisie. Une affirmation stupide, qui prêterait à sourire si sa motivation n’est pas de nous désigner, pernicieusement, à la vindicte de quelques exécuteurs de basses besognes.
Ne craignant pas de se contredire dans la même phrase, M. Meddeb a aussitôt ajouté que nos financements sont mystérieux et que cela fait cinq ans que nous n’avons pas présenté nos comptes. Et là, on n’est plus dans la désinformation mais dans la diffamation et l’atteinte à l’honneur des personnes. Car non seulement nos financements sont clairs comme l’eau de source (la publicité commerciale et rien que la publicité commerciale), mais la société Kapitalis s’est toujours acquittée, régulièrement, et jusqu’au dernier millime de ses devoirs vis-à-vis des services de l’impôt et de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Ce qui est aisément vérifiable.
On ne peut pas dire autant de la chaîne Zitouna, qui offre ses plateaux aux menteurs, aux propagandistes et aux diffamateurs professionnels, comme M. Meddeb. Cette chaîne, on le sait, diffuse illégalement depuis 2014, refuse de révéler ses sources de financements et, bénéficiant de la bienveillante protection du parti islamiste Ennahdha, ne reconnaît même pas la Haute autorité indépendante de communication audiovisuelle (Haica). Pour l’obliger à payer le fisc ou la CNSS, il faudrait repasser… Ces gens-là sont des hors-la-loi…
Plus grave encore, dans son attaque contre Kapitalis et son directeur, cité nommément, M. Meddeb a dit que notre journal, dont il a aussi désigné le lieu d’implantation (El-Ghazala, ce qui est un secret de polichinelle), «risque d’être la cible des jeunes» (quels jeunes ?) pour «le punir pour ses positions» à propos de la décapitation de l’enseignant français.
Là, l’ancien officier de police dépasse toutes les bornes et se met carrément sous le coup de poursuites judiciaires, non pas seulement pour diffamation et diffusion de fausses informations portant atteinte à ma personne, mais pour… appel au meurtre.
C’est pourquoi je me vois dans l’obligation morale vis-à-vis de mes collaborateurs dont M. Meddeb met ainsi la vie en danger, d’alerter l’opinion publique, les services de police, et notamment ceux en charge de la protection des personnes, mais aussi l’autorité judiciaire.
En ma qualité de directeur de Kapitalis, j’appelle le procureur de la république à ordonner une enquête sur les déclarations de M. Meddeb et à l’auditionner, par la même occasion, sur ce qu’il semble détenir comme informations sur des plans d’attaque terroriste contre le journal Kapitalis ou son directeur.
En guise de conclusion, je dirai à M. Meddeb et à ses «frères musulmans» que les intimidations ne nous ont jamais fait taire, même au temps de Ben Ali, lorsque ses employeurs d’aujourd’hui négociaient avec le dictateur via des intermédiaires mandatés, à Paris, à Londres, à Berlin, et même pour certains d’entre eux, au Palais de Carthage. S’ils croient que les menaces nous ferons peur, ils ne tarderont pas à avoir la preuve du contraire.
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