‘‘Habib Bourguiba : Le combattant suprême 1903 – 2000’’ est le titre d’un nouvel ouvrage consacré à l’ancien président tunisien, écrit par Mohamed Larbi Haouat et publié par le Centre culturel du livre, à Casablanca, Maroc. Nous en reproduisons, en guise de bonnes feuilles, ce témoignage personnel de l’auteur sur l’intérêt que Bourguiba accordait au contact direct avec les gens et notamment avec les jeunes.
Par Mohamed Larbi Haouat *
Le poète Ahmed Loghmani produisait et dirigeait l’émission des passionnés de la littérature: «Houwet al Adab» à la radio nationale à Tunis, qui s’employait à détecter les jeunes talents nouvellistes, romanciers et poètes. Loghmani a pris l’initiative de tenir une rencontre des « jeunes pousses » pour nouer des contacts et assurer de fructueux échanges. Bourguiba était fan de l’émission, il a invité les participants au Palais présidentiel Skanès à Monastir. Et par une chance inouïe, j’étais le plus jeune parmi les participants! Trois jours pleins avec le chef de l’État au Palais était un exploit remarquable. En effet, mon jeune âge a attiré l’attention du président, il a tenu à ce que je me présente à lui. Il m’a demandé les nouvelles des familles: Abaab, Chandoul, Grissiaa… J’ai eu l’impression qu’il connaissait ma ville, Ben Gardane, comme sa poche!
Le lendemain, l’organisateur m’a placé à sa table pour le déjeuner. Au menu, il y avait du poisson. Mon nom Haouat signifiait en arabe le poissonnier, le président me demandait alors avec un sourire éclatant et des yeux brillants de joie: – J’espère que vous aimez le poisson, (Si) Haouat! – Bien sûr, Monsieur le Président. – Très bien, alors bon appétit à tous…
Au début, cela m’a paru surprenant! Je me suis demandé, comment il avait retenu mon nom si vite, mais j’ai constaté par la suite, qu’il retenait les noms de la majorité des présents! Ainsi, j’ai senti, que Bourguiba n’était pas une personne ordinaire, c’était un homme très distingué, un homme d’exception! Il jouissait bien d’une mémoire d’éléphant! Et par son aimable hospitalité très chaleureuse, il nous a donné l’impression que chacun de nous était son invité spécial! Trois jours durant, le chef d’État s’est tenu entièrement à l’écoute, au dialogue, à la réflexion, aux commentaires et aux recommandations pertinentes. C’était un moment remarquable et inoubliable, il a réussi vraiment à créer une bonne ambiance de travail très agréable: le professeur Mohamed Rached Hamzaoui présentait une critique à une jeune fille, suite à la lecture de sa nouvelle. Mais sa critique n’était rien d’autre que des louanges et des compliments sincères. Bourguiba fut enchanté et pour marquer sa satisfaction, il interpella le professeur avec le sourire habituel, en lui disant: «Mais, je ne comprends pas, c’est une critique ou une déclaration d’amour?» Et tous les participants ont applaudi l’humour du chef de l’État!
Mon ami Tahar Belkhodja, ministre de l’intérieur au temps de Bourguiba, et auteur du livre ‘‘Les trois décennies Bourguiba’’, m’a suggéré de rapporter cette anecdote, en témoignage que Bourguiba a été un homme de contact, ouvert au dialogue direct sans intermédiaire, sympathique, souple dans ses relations avec autrui. Il avait une vivacité intuitive d’esprit. C’est un symbole unique en son genre. N’importe qui, pourra s’apercevoir très vite de son amour sacré pour sa patrie, et de sa jeunesse qui représentait l’avenir de la Tunisie.
* Docteur d’état en relations internationales et stratégiques. Il a été chercheur au Centre d’études et de recherches sur les conflits et les stratégies de la Sorbonne (CERCS), devenu, Centre de Philosophie de la Stratégie (CPS), chercheur associé à l’Académie géopolitique de Paris (AGP) et membre de jury de l’ENSAM à Sorbonne Nouvelle Paris III). Mohammed Larbi Haouat est le lauréat du Prix des Sciences morales et politiques 2006 de la Fondation Prince Louis de Polignac.
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