Nizar Qabbani, considéré comme l’un des plus grands poètes de langue arabe du XXe siècle, est né le 21 mars 1923 à Al-Chaghour à Damas, Syrie et mort le 30 avril 1998, à Londres, Grande-Bretagne.
La poésie de ce diplomate syrien casse l’image traditionnelle de la femme arabe et invente un langage nouveau, proche de la langue parlée et riche de nombreuses images empruntées au monde de l’enfance. Sa poésie, d’inspiration amoureuse, entremêle des éléments du quotidien à une critique sociale et politique du monde arabe.
Défenseur progressiste de la cause arabe, Nizar Qabbani est aussi l’intellectuel arabe le plus attaché à promouvoir l’émancipation de la femme. Il n’oubliera jamais le suicide de sa sœur aînée, qui ne voulait pas subir un mariage imposé.
Après s’être retiré de la vie diplomatique, en 1966, il s’installe à Beyrouth, «la mère, l’amie et l’aimée», où il fonde une maison d’édition portant son nom. En 1981, suite à la mort de sa femme Balkis, dans un attentat contre l’ambassade d’Irak, Nizar Qabbani quitte la capitale libanaise pour Londres, où il résidera jusqu’à sa mort en 1998. Sa poésie a été immortalisée par les plus grands chanteurs arabes, tels Oum Koulthoum, Fayrouz, Mohammed Abdel Wahab, Abdel Halim Hafez, Majida El Roumi…
Lorsqu’en Orient, naît la lune
Les blanches terrasses s’assoupissent
Dans des amas de fleurs,
Les gens abandonnent leurs échoppes
Et vont ensemble
A la rencontre de la lune.
Ils portent leur pain, leur phonographe
Et les accessoires de leur drogue
Jusqu’au sommet des montagnes.
Ils vendent et achètent
Rêves et rêveries
Et se meurent
Quand la lune est en vie.
Que fait de mon pays
Un filet de lumière?
Que fait-il du pays des prophètes
Et des âmes naïves
Celles qui mastiquent leur tabac
Et qui font le commerce
De la drogue?
Pendant les nuits d’Orient
Où pleine lune devient le croissant
L’Orient lui se dévêt
De toute dignité,
Démissionne de tout combat.
Les millions qui courent sans sandales
Qui croient en la quadrigamie
Et en la fin du monde,
Les millions qui ne rencontrent le pain
Que dans le rêve
Qui, la nuit, habitent les masures de la toux,
Qui jamais n’ont connu la forme des médicaments,
Meurent, cadavres, sous la lune,
Dans mon pays
Où les âmes naïves pleurent
Et meurent dans leurs larmes
Chaque fois que leur apparaît le croissant,
Et pleurent davantage
Chaque fois qu’un luth plaintif les émeut,
Chaque fois que les émeut
L’hymne à la nuit du «Ya Lili»
Mort qu’en Orient
Nous appelons «Tawashih» et «Ya Lili».
Dans mon pays
Celui des âmes naïves
Où nous ruminons les longs vers des tawashih
Cette tuberculose qui détruit l’Orient,
Ces longues rengaines chantées,
Ce notre Orient qui rumine
Histoire, rêves langoureux et légendes surannées,
Cet Orient recherchant tout héroïsme
Dans la Geste
De Abu Zaïd al Hilali.
Poème traduit en français par Mohammad Réza Zakéri
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