Il faut être un pays pseudo-démocratique, dirigé par des esprits bornés et dans lequel les valeurs universelles des droits de l’homme, telles que la liberté de croyance, ne sont pas assimilées, pour interdire à une association qui représente une minorité religieuse d’exister. C’est malheureusement le cas de la Tunisie, où les bahaïs ont récemment fait les frais du conservatisme discriminatoire et écœurant de l’État.
En effet, le gouvernement tunisien a refusé de publier la déclaration de formation de l’Association bahaïe en Tunisie, malgré une décision en sa faveur par le Tribunal administratif, et ce, sous prétexte que le bahaïsme n’est pas une religion monothéiste.
Or, non seulement cela est faux : le bahaïsme est bel et bien une religion monothéiste (apparue aux environs des années 1910), mais, surtout, ce détail n’est censé avoir aucune importance pour n’importe quel État qui se respecte et qui respecte, par conséquent, le droit de ses citoyens de croire en ce que bon leur semble, sans la moindre contrainte… ou même de ne pas avoir de croyance.
La présidence du gouvernement a, par ailleurs, intenté un appel contre la décision du Tribunal administratif, tout en garnissant le dossier d’appel avec des propos takfiristes, pourtant criminalisés par la constitution tunisienne.
Dans ce dossier, la présidence du gouvernement a prétendu que la liberté de croyance garantie par la constitution ne concerne que les individus, et qu’en ce qui concerne les pratiques collectives, «elles doivent entrer dans le cadre de l’ordre général de l’État et de la loi, qui ne reconnaissent que les religions monothéistes», faisant allusion à celles reconnues par l’islam : le judaïsme, le christianisme et l’islam lui-même.
La présidence du gouvernement s’est référée, dans ces documents adressés au tribunal, au mufti de la république, au ministre des Affaires religieuses et à une fatwa de l’Académie internationale du fiqh islamique accusant les bahaïs d’apostasie ! Autrement dit, pour violer les droits d’une association de la société civile, Hichem Mechichi, chef du gouvernement, s’est basé sur 3 institutions religieuses et sur leurs positions moyenâgeuses, comme s’il était à la tête d’un État théocratique. Il ne lui manquait plus qu’attacher une fatwa de Ben Laden ou d’Abou Yadh pour se justifier.
Des copies de ces documents ont été remis aux journalistes présents lors d’une conférence de presse tenue par les fondateurs de l’association, ce mardi 16 mars, aux locaux du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT).
L’Association bahaïe a également annoncé avoir déposé, hier lundi 15 mars 2021, une plainte auprès du ministère public près du Tribunal de première instance de Tunis, contre le chef du gouvernement, le ministre des Affaires religieuses, le mufti de la République et le secrétaire général du gouvernement, pour avoir signé des correspondances officielles qui comportent des propos takfiristes punis par l’article 14 de la loi antiterroriste.
Rappelons que l’été dernier, une jeune citoyenne tunisienne (Emna Charki) a été condamnée à 6 mois de prison pour avoir partagé une parodie d’une sourate coranique sur son compte Facebook. Malgré une révolution faite au nom de la liberté, l’État tunisien continue malheureusement (au nom de la protection du sacré) à persécuter les libertés de ses citoyens.
Cherif Ben Younès
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