Un homme politique n’a de valeur que s’il a une vision qui apporte une plus-value à son peuple, s’il fait des choix bénéfiques pour son peuple, s’il prend des risques stratégiques qui s’avèrent positifs pour son peuple. Que dire de l’homme politique dont les choix et les options ont été, tout au long de sa vie, hasardeux, catastrophiques et n’ont jamais abouti à des résultats positifs ? Rached Ghannouchi en l’occurrence…
Par Hichem Cherif
Si on parcourt les choix politiques du président du parti islamiste Ennahdha, qui préside aussi, depuis un peu plus d’un an, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), on constate qu’ils ont abouti à des échecs cuisants. Ses mutations diverses et variées sont une preuve de son opportunisme primaire ans la recherche effrénée du pouvoir quitte à retourner sa veste. Nous passerons en revue, ici, ces choix foireux ?
L’adoption du «panarabisme» nassérien:
Après avoir défendu corps et âme le «panarabisme nassérien» quand il était jeune étudiant en Egypte, puis en Syrie, Rached Ghannouchi a confirmé, dans un entretien avec François Burgat, sa mutation politique du «nationalisme arabe nassérien» vers l’islamisme car il voyait «le nationalisme arabe comme n’étant pas islamique mais occidental».
C’est en 1967, au moment de la Guerre des Six Jours, que la défaite des armées arabes face à Israël est venue sceller l’échec du nassérisme et apporter un soutien essentiel au discours islamiste. Et inciter Ghannouchi à se solidariser avec des islamistes. Il rencontre les Frères musulmans, «lit les livres de Sayyid Qutb, Muhammad Qutb, Abû ‘Ala al-Mawdûdi, Muhammad Iqbal, Malek Bennabi et quelques écrits anciens de Abù-l-Hamid al-Ghazâli et Ibn Taymiyya».
L’appui à l’accord de Djerba du 12 janvier 1974:
Rached Ghannouchi et les islamistes de Jamâa Al-Islamiya ont adhéré au discours du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi qui appelle à l’unité arabe, soutenu en Tunisie par Mohamed Masmoudi et le réfugié palestinien Abou Iyad, et ont critiqué le retrait de Bourguiba des accords de Djerba, signés le 12 janvier1974.
Toutefois Ghannouchi et ses alliés islamistes s’éloignent rapidement de la doctrine panarabe du leader libyen, car Kadhafi, comme avant lui le président égyptien Nasser, a montré de l’hostilité aux Frères musulmans.
On sait comment aujourd’hui comment Kadhafi est fini, torturé et tué sauvagement des groupes islamistes armés.
Les années soudanaises :
À la suite du coup d’État d’Omar El-Bechir au Soudan, en 1989, Ghannouchi se rend à Khartoum, où il est reçu par Hassan Al-Tourabi, dirigeant des Frères musulmans soudanais. Le leader du Mouvement de tendance islamique (MTI), transformé en février de la même année en Mouvement Ennahdha, adopte progressivement l’idéologie de Tourabi sur le panislamisme, dont le Soudan est devenu le bastion pendant les années 1990, et, dans un discours, prononcé à Khartoum le 30 août 1990, il cite l’exemple du Soudan comme une réussite de l’islam politique pendant de longues années.
On connaît comment a fini Omar El-Béchir et sa condamnation par la Cour internationale de la Haye.
L’appui à Saddam Husseïn :
À la suite de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1991, Ghannouchi appelle à la destruction des intérêts, partout dans le monde, de tout pays qui projette de s’attaquer à l’Iraq et il se rend à Bagdad pour serrer la main à Saddam Hussein et lui manifester son soutien.
On connaît la conséquence pour le peuple irakien de l’invasion du Koweït, dont les conséquences vont être terribles, et pas seulement pour l’Irak.
Le rapprochement de la Turquie d’Erdogan :
À la suite de la déroute de l’expérience soudanaise, Ghannouchi change de position politique et se tourne vers la Turquie et son nouveau chef, Recep Tayyip Erdoğan, proche des Frères musulmans. Il défendra à l’ARP la Turquie d’Erdogan et valorisera les réalisations en Tunisie de l’Empire Ottoman que l’actuel président turc cherche à restaurer.
Où en est aujourd’hui la Turquie d’Erdogan, présentée par les islamistes tunisiens comme un modèle à suivre ?
Ce pays traverse aujourd’hui une crise multiforme. Après la décision des autorités de laisser flotter la monnaie nationale pour faire face à la crise financière que traverse le pays, la Livre turque a perdu, le 22 février 2021, le tiers de sa valeur face au dollar sur le marché des changes.
Le gouvernement comptait ramener l’inflation à 12% cette année, contre 54% en 2019. L’objectif n’est plus qu’un vœu pieux. L’agence de notation Moody’s a baissé, la veille, soit le 21 février 2021, la note de la dette à long terme de la Turquie et placé toutes les structures financières publiques de ce pays sous surveillance négative.
«La Turquie est malade. Si malade qu’au moindre choc elle risque une rechute», insiste Erol Özkoray, spécialiste en communication politique et responsable du magazine ‘‘Idea Politika’’. «Les médecins peuvent la garder en vie, sous assistance respiratoire, poursuit-il. Mais ce qu’il faut, c’est un grand coup de balai.»
Ghannouchi transforme l’Assemblée en une foire d’empoigne:
Sur le plan intérieur, Ghannouchi n’a fait que des choix foireux toute tout au long de sa vie. Et le dernier en date est celui d’avoir prix la présidence de l’Assemblée, qu’il a transformée en une véritable foire d’empoigne. L’anarchie régnant actuellement dans l’instance législative a beaucoup nui au mouvement Ennahdha, qui recule dans tous les sondages d’opinion et dont les divisions internes, jadis tues, éclatent désormais au grand jour, avec des démissions en série.
L’échec annoncé des islamistes aux élections de 2024 et, son corollaire, la montée en flèche du Parti destourien libre (PDL), conduit par leur ennemie jurée, l’avocate Abir Moussi, s’explique par la crise généralisée où ce parti, au pouvoir en Tunisie depuis la révolution de 2011, a plongé le pays.
Quand est-ce que le leader des islamistes va-t-il démissionner de la présidence de l’Assemblée et d’Ennahdha, comme l’y invitent de nombreux observateurs, afin de laisser la scène politique tunisienne respirer de nouveau, le pays reprendre son souffle et sortir de l’ornière de la crise ?
* Avocat.
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