Yadh Elloumi, député Qalb Tounes jusqu’à sa démission hier soir, samedi 10 avril 2021, de ce parti dont il a été l’un des co-fondateurs avec Nabil Karoui, est un personnage haut en couleurs, misogyne, au franc-parler politiquement incorrect, parfois même impulsif et violent. Il est, dans tous les cas, ingérable. Mais si sa démission pourrait convenir à certains de ses camarades, elle n’en traduit pas moins une grave crise au sein d’un parti créé en 2019 et venu trop tôt au pouvoir dans les bagages du parti islamiste Ennahdha.
Par Imed Bahri
Sa démission de Qalb Tounes annoncée hier soir n’est pas la première, mais sera-t-elle la dernière ? Qu’on nous permette d’en douter. Car ses causes ne sont pas nouvelles et ce sont les querelles récurrents au sein d’un parti créé autour la personnalité du magnat de télévision et de publicité Nabil Karoui et pour lui servir de tremplin et, surtout, de bouclier. Or, depuis que ce dernier est incarcéré à la prison de Mornaguia, poursuivi en justice pour évasion fiscale, corruption financière et blanchiment d’argent, les querelles au sein des instances du parti se sont multipliées.
Après les violences verbales, on en est venu aux mains
Ces querelles portent, comme souvent, sur le leadership, les uns et les autres ne faisant pas mystère de leurs ambitions, mais pas seulement, car certains choix et décisions suscitent des divergences voire des divisions, qui dégénèrent en querelles. Il y a même eu des moments où après les violences verbales, on en est venu aux mains. Ce qui n’a pas tardé à déborder le cercle restreint des membres du bureau politique ou du bloc parlementaire et alimenter les discussions dans les réseaux sociaux.
Il y a eu d’abord des querelles opposant Yadh Elloumi à Oussama Khelifi, le président du bloc parlementaire, que l’intervention de Saloua Smaoui, l’épouse Nabil Karoui, a réussi à aplanir momentanément; puis l’expert comptable a eu, au cours de la semaine écoulée, une engueulade avec l’autre membre du bloc parlementaire, le très sulfureux Sofiene Toubel.
Il faut dire que les relations avec le parti islamique Ennahdha et, son excroissance, la coalition islamo-populiste Al-Karama, sont loin faire l’unanimité au sein d’un parti qui se targue d’être libéral et progressiste.
Une démission qui en annonce d’autres
Ces relations censées aider à faire libérer Nabil Karoui n’ont pas eu, pour le moins que l’on puisse dire, l’effet escompté, le président de Qalb Tounes étant toujours en prison et les demandes de sa libération déposées par ses avocats régulièrement rejetées par les juges. Pire encore, ces relations contre-nature, Qalb Tounes ayant basé sa campagne électorale sur l’hostilité à l’islam politique, ont éloigné du parti un grand nombre de ses membres, de ses partisans et de ses sympathisants. Le recul de Qalb Tounes dans les sondages d’opinion exige des réglages sinon des repositionnements, ce que certains dirigeants ne sont pas encore prêts à admettre, ayant été très loin dans leurs engagements envers leurs partenaires et alliés du moment.
En d’autres termes, la crise est loin d’être encore terminée avec la démission d’Yadh Elloumi qui, au contraire, en annonce d’autres. Wait an see…
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