La Tunisie est classée 69e sur 172 pays pour sa prédisposition à intégrer l’intelligence artificielle (IA), qui va jouer un rôle important dans la transformation de la société au cours des prochaines décennies. Ce mauvais classement, elle le doit surtout à l’insuffisance de son infrastructure numérique et de ses ressources humaines, mais pas seulement.
Par Taoufik Halila *
L’institut Oxford Insights a publié son rapport 2020 sur l’état des lieux de la prédisposition des gouvernements et pays dans le monde à intégrer l’intelligence artificielle (IA) pour la prestation des services publics à leurs citoyens.
Les critères de classement
Le score de chaque pays est noté sur 100 et il se base sur l’évaluation des 3 axes suivants :
- la gouvernance adoptée par chaque pays pour le développement de l’intelligence artificielle et qui couvre en particulier les actions suivantes : la vision (est-ce que le gouvernement dispose d’une vision et au-delà d’un plan stratégique pour le soutien et le développement de l’IA ?); l’éthique (existe-t-il des bonnes réglementations juridiques et éthiques pour la mise en œuvre de l’IA d’une manière à respecter en particulier la législation sur la protection des données personnelles et la cybersécurité ?); le niveau d’efficacité de l’exploitation du numérique (est-ce que le pays dispose ou non d’un déploiement technologique avancé et d’un usage important des services en ligne offerts aux citoyens et entreprises ?); l’efficacité d’adaptation aux changements (est-ce que le gouvernement dispose d’une maniabilité et flexibilité dans ses pratiques afin d’intégrer rapidement les nouvelles solutions technologiques ?);
- l’avancement technologique de chaque pays pouvant lui permettre l’exploitation de l’intelligence artificielle et qui couvre le niveau de ses ressources humaines (est-ce que le pays dispose des compétences valables dans les nouvelles technologies en général et le numérique en particulier ?); le degré de développement de l’innovation dans la société (est- ce le pays encourage l’innovation et ce à travers le soutien de la culture entrepreneuriale et l’encouragement des recherches et développement ?); le niveau du tissu des entreprises technologiques et si elles disposent de capacités à fournir des solutions basées sur l’IA);
- l’infrastructure et la disponibilité des données et qui couvre l’infrastructure numérique (est-ce que le pays dispose d’une bonne infrastructure pouvant supporter le développement de l’IA ?); la disponibilité des données et leur qualité (est-ce qu’il existe une politique pour le développement de l’open data et est-ce que les données disponibles sont d’une qualité objective pouvant être exploitées correctement pour établir des modèles d’IA , reflétant la réalité sociale et économique de la société ?).
Le rapport a montré qu’à l’échelle mondiale ce sont les États-Unis d’Amérique qui sont classés au premier rang en matière de prédisposition de déploiement et développement de l’IA dans sa société et ce avec un score de 85.479, suivis par la Grande-Bretagne, la Finlande, l’Allemagne et la Suède. Quant à la France, elle est classée 11e avec un score de 73.767 et la Grèce 61e avec un score de 47.933. La Chine, pour sa part, est classée 19e avec un score de 69.080 ce qui met en évidence la différence entre la préparation d’un gouvernement à l’IA et la mise en œuvre de l’IA qui est très avancée dans ce pays du fait qu’elle l’a classée comme une priorité et ce à travers le plan qu’elle a adopté pour cette action nommé «Next generation artificial development Plan».
Analyse du score de la Tunisie
La Tunisie est classée non loin de la Grèce, soit 69e sur 172 pays, et son score est de 44.386 et elle est rangée parmi les pays qui sont en train de préparer des stratégies pour l’implémentation de l’IA, mais malheureusement ça tarde à arriver !
L’analyse du score de la Tunisie indique que du point de vue de l’infrastructure numérique et des ressources humaines, le pays est pas mal classé, toutefois, les principaux problèmes au développement de l’IA dans notre société se trouvent dans le manque d’une vision gouvernementale dans ce domaine; la non-existence d’une réglementation d’éthique pour l’IA; l’insuffisance des services en ligne et leur mauvaise exploitation par les citoyens; le déficit dans la disponibilité des données et le un retard chronique non-justifié dans le déploiement d’une politique nationale d’open data et ce malgré les financements locaux et internationaux qui ont été mobilisés pour ce domaine et en particulier les importants fonds accordés à cet effet à la Tunisie par la Corée du Sud à travers la Koica, son agence de coopération internationale.
Ainsi et suite à ces constatations, nous appelons à établir une démarche rigoureuse pour la préparation rationnelle du déploiement de l’IA en Tunisie et ce en se basant sur les paramètres indiqués ci-haut du fait que l’IA va jouer un rôle important dans la transformation de la société et que, si les gouvernements (actuel et futurs) ne prennent pas ce sujet parmi leurs priorités, ça va être encore une fois une non-responsabilité envers l’avenir du pays d’une façon générale et de ses entreprises et ses jeunes talents d’une façon particulière.
* Président de la Chambre nationale des intégrateurs des réseaux télécoms (Utica).
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