Ce que vivent les Palestiniens aujourd’hui est fort semblable à ce qu’avaient connu les juifs d’Europe centrale au cours de la seconde guerre mondiale. Une discrimination implacable, sans répit, imposée par l’Etat juif israélien. Une Shoa qui ne dit pas son nom, avec le même objectif macabre, celui d’exterminer toute trace de cette population palestinienne, face à l’indifférence complaisante voire complice des puissances occidentales.
Par Adel Zouaoui *
La spirale des violences en cours, enclenchée par la tentative d’expulsion des familles palestiniennes du quartier Cheikh Jarrah à Al-Qods par des colons israéliens, vient s’ajouter à cette série de drames implacables d’un conflit israélo-palestinien qui s’étale infiniment dans le temps.
Force est de constater que parmi les révoltés contre cette énième grosse injustice, il y a de plus en plus de jeunes palestiniens dont l’âge ne dépasse pas la trentaine. Ces derniers sont plus acerbes, plus remontés que leurs aînés, puisqu’ils n’ont connu, durant toute leur courte vie, que la misère et la répression. Tenus pour des citoyens de seconde zone, ils n’ont plus rien à perdre face à des colons israéliens encore plus radicalisés et encore plus déterminés à faire d’Israël une nation exclusivement juive.
Un peuple palestinien oublié livré à lui-même
Ce conflit qui perdure depuis 1948 ressemble aujourd’hui à une grosse pustule qui empoisonne de son pus sanglant aussi bien le quotidien des palestiniens que celui des israéliens.
À l’aube de ce 21e siècle où les peuples s’éveillent aux libertés, et où les aides entre nations se font et se défont à l’aune du respect de la dignité humaine, la population palestinienne, elle, semble être oubliée par tous.
Par les Arabes d’abord dont le regard est désormais rivé vers l’Iran qu’ils considèrent comme leur pire ennemi. Sept pays ont déjà conclu des accords de paix avec Israël. Et par l’Occident aussi, qui quand il ne botte pas en touche, dénonce timidement les exactions commises par l’Etat hébreu.
Du coup, les Palestiniens se sentent seuls face à eux-mêmes et face à l’hydre coloniale qui continue à grignoter sur leur espace de vie. Et pour cause, ils sont enfermés dans des îlots carcéraux. Gaza n’est-elle pas une prison à ciel ouvert, où s’entassent deux millions de Palestiniens sur un territoire de 362 km2. La Cisjordanie, quant à elle, n’est-elle pas un territoire gruyère parsemé de colonies et de check-points. C’est deux bouts de terre n’ont rien à envier aux camps de concentrationnazi tels que Auschwitz, Birkenau ou Breitenau. Déshumanisés, la vie au quotidien des Palestiniens ressemble à un enfer. Leur moindre mouvement dépend entièrement des permis délivrés par l’armée israélienne. Ils ne peuvent ni voyager, ni circuler librement sans faire face à une montagne de difficultés et de tracas.
De quoi sont-ils différents des noirs sud-africains du temps de l’Apartheid ou des juifs d’Europe centrale, marqués d’une étoile jaune sous le régime nazi ?
La toute première étincelle de l’actuel embrasement
La première étincelle qui a mis le feu aux poudres est la tentative d’expulsion de douze familles palestiniennes du quartier Cheikh Jarrah, un quartier arabe depuis des siècles, situé à Jérusalem-Est. Cette nouvelle agression, gratuite et délibérée, s’inscrit dans ce macabre stratagème de l’extrême droite israélienne. Lequel stratagème vise à effacer toutes traces palestiniennes de Jérusalem. Du coup, tout s’embrase. La violence monte crescendo. Elle fait tache d’huile pour inclure l’esplanade de la mosquée d’Al Qods et pour impliquer le Hamas. Ce groupe militaire qui dirige Gaza réagit en lançant des centaines de roquettes sur des villes israéliennes. La réponse de l’armée sioniste ne se fait pas attendre. Tsahal réplique par une salve de bombes sur des bâtiments palestiniens présumés abritant des stocks de missiles. Ainsi le chaos s’installe. Et les victimes tombent, femmes et enfants, surtout du côté palestinien.
De la politique de l’autruche et de l’hypocrisie internationale
Pour se voiler la face, le monde libre se hâte de qualifier de terrorisme tout acte de résistance palestinien.
Feignant d’oublier que ce sont les colons israéliens, les premiers, appuyés par Netanyahou, un Premier ministre prêt à tout pour rester au pouvoir, alors qu’il est incapable de former un gouvernement, qui ont ouvert les hostilités. Feignant aussi d’ignorer, comme toujours, que c’est l’Etat sioniste, lui-même, par la discrimination qu’il fait subir à un peuple sans défense, pourvoie ce qu’on qualifie de terrorisme. On préfère pointer du doigt les symptômes sans s’attaquer aux causes réelles.
Les causes, elles, sont cette occupation qui dure 73 longues années par un Etat dont les frontières sont élastiques. Lesquelles frontières s’étirent au gré des humeurs de ceux qui sont aux commandes de l’Etat sioniste.
Face à cette injustice, crasse et nauséabonde, l’Occident enfuit la tête dans le sable et refuse de regarder la réalité en face.
Pour défendre l’indéfendable, il allègue qu’Israël est la seule démocratie dans la région, tout en refusant d’admettre que cette dernière est enkystée, confinée à la seule communauté juive d’Israël. Dès qu’il s’agit de Palestiniens, cette même démocratie devient mortifère et liberticide.
Une Shoa palestinienne qui ne dit son nom
Ce que vivent les Palestiniens aujourd’hui est fort semblable à ce qu’avaient connu les juifs d’Europe centrale au cours de la seconde guerre mondiale. Une discrimination implacable, sans répit. Une Shoa qui ne dit pas son nom, avec le même objectif macabre, celui d’exterminer toute trace de cette population palestinienne.
Ce comportement impulsif, irraisonnable et irraisonné au motif de je ne sais quel argument politique ou de je ne sais quelle chimère biblique s’inscrit en faux contre la logique de l’histoire humaine depuis la nuit des temps. Les radicaux israéliens tous azimuts ne décimeront jamais les Palestiniens quoi qu’ils fassent, comme les Nazis n’ont jamais pu exterminer les juifs, ni les Ottomans les Arméniens ou les Hutus les Tutsis.
Au risque de surprendre, ce que subissent les Palestiniens est un génocide pareil à celui du génocide juif (1933-1945). À la différence près qu’il est plus intense, sournois et muet puisqu’il s’étale indéfiniment dans le temps, dans l’indifférence complice des puissances occidentales.
L’entêtement des radicaux israéliens à poursuivre la même voie leur sera tôt ou tard préjudiciable, et même fatal. L’histoire est riche en récits qui témoignent des renversements de rapports de force entre peuples et nations.
Pour qu’une paix des braves, juste et équitable, puisse encore éclore dans cette partie du monde, il n’y a qu’une seule issue, celle de se retourner à la résolution onusienne de 1948. Laquelle requiert le retrait total des Israéliens des territoires occupés et la création d’un Etat palestinien libre et souverain.
En défendant le droit d’Israël à se défendre tout en fermant les yeux sur ses multiples turpitudes et violations du droit international, l’Occident n’aide en rien la population israélienne à vivre en sécurité. Au contraire, il participe à sa perdition dans le labyrinthe de la déraison et de la folie.
Enfin, ce dont il faut se rappeler c’est que le vent ne souffle pas toujours dans la même direction. Les nouveaux basculements que le monde connaîtra changera un jour ou l’autre la donne et les rapports de forces planétaires. À ce moment-là, gare aux sentiments de revanche, de rancune et de haine. Car des blessures profondes des peuples, l’histoire se souviendra pour toujours.
* Retraité de la Cité des Sciences de Tunis, ministère de l’Enseignement supérieur.
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