En avouant avoir été, dans une vie antérieure, un délateur professionnel (car payé à la pige) au service du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l’ancien parti au pouvoir sous la dictature de Ben Ali, le député Ennahdha Maher Madhioub, assesseur de l’actuel président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Rached Ghannouchi, par ailleurs président du parti islamiste, croyait faire de l’esprit, ou de l’ironie, ou du cynisme, en reprenant lui-même les accusations dont l’accablent ses adversaires. Il croyait pouvoir ainsi brouiller encore davantage son image et créer un écran de fumée pour mieux s’y dissimuler.
Pr Ridha Kéfi
Propulsé ces derniers mois sur les devants de la scène par le cheikh Ghannouchi, Madhioub est en train de prendre des galons au sein de la galaxie islamiste, et ce malgré son passé pour le moins trouble, au grand dam des islamistes «de souche», pas suffisamment «sexy» aux yeux de leur cheikh, qui va chercher ses proches collaborateurs dans le vivier de l’ancien parti au pouvoir.
Aussi, et pour exprimer sa reconnaissance à ce dernier, Madhioub a-t-il multiplié les apparitions médiatiques où il fait l’éloge de son maître avec un zèle si excessif qu’il commence à faire grincer des dents parmi les proches même du cheikh, déroutés (voire désarmés) par son insolente servilité.
Ironie cynique ou bassesse assumée
Poussant encore plus loin la mielleuse exaltation de son «islamisme», dont la portée opportuniste n’échappe à personne, Madhioub a cru pouvoir, par ironie, par cynisme ou par bassesse assumée (allez savoir !), revendiquer avec force conviction, presque en s’en vantant, son passé de délateur professionnel au service de la dictature, en laissant entendre – par ironie, par cynisme ou par bassesse assumée (allez savoir !) – qu’il met désormais son savoir-faire d’ancien RCDiste au service de la nouvelle officine qui l’emploie, le parti Ennahdha en l’occurrence, dont on aimerait savoir s’il le paye, comme le payait jadis le RCD, et si le tarif, entre-temps, a été majoré et de combien.
Ce qui est encore plus étonnant dans cette affaire, dont le ridicule le dispute à la saleté, c’est que certains dirigeants d’Ennahdha, visiblement dérangés par le comportement de Madhioub et choqués par ses confessions impudiques, cherchent désormais à lui sauver la mise, en poussant leur propension au mensonge, qui est, on le sait, une seconde nature chez eux, à des extrémités qu’on les croyait incapables d’atteindre.
Le salaud était-il un héros ?
On nous raconte aujourd’hui, que le délateur professionnel passé avec armes et bagages et sans crier gare du RCD à Ennahdha, était en réalité un islamiste infiltré dans les rangs du RCD et que, grâce aux faux rapports qu’il rédigeait à l’époque, il a réussi à tromper l’ancien pouvoir et à sauver la tête de certains activistes islamistes. Le délateur n’était donc pas un salaud, mais carrément… un héros. Sauf que cette grosse couleuvre, on n’est pas disposés à l’avaler. Pour plusieurs raisons.
D’abord, l’homme n’est pas du genre à avoir le courage physique lui permettant de courir de si grands risques, qui plus est, à une époque où d’autres ont payé très cher de petites audaces et non d’aussi grosses trahisons.
Ensuite, tous ceux qui, dans la galaxie de la jeunesse du RCD avaient eu affaire à Madhioub, vous le diront : il était un militant zélé, prêt à tout (c’est-à-dire au pire) pour faire son trou et ne reculant devant aucune petitesse pour se rendre utile à ses maîtres : ses rapports de délation datant de l’époque en témoignent.
Enfin, M. Madhioub n’est pas plus islamiste aujourd’hui qu’il n’était RCDiste hier : il appartient à cette race d’hommes sans foi ni loi, capables de tous les retournements, l’essentiel étant à leurs yeux de se mettre toujours au service du maître du moment. Et dans ce sport-là, il a montré, il est vrai, une grande dextérité.
Article lié:
Maher Madhioub rattrapé par son sombre passé de Rcdiste délateur
Donnez votre avis