Jusqu’ici, nous Tunisiens, avions la certitude d’être capables du pire. Les 10 dernières années furent une preuve plus que suffisante. Mais avec les derniers événements qui se sont succédé rapidement ces derniers temps, tel le coup de massue du 25 juillet 2021 asséné par le président Saied à la nouvelle oligarchie qui se croyait confortablement installée, et le nombre record de vaccinations menées de main de maître, le 8 août, avec plus de 550.000 nouveaux vaccinés en moins de 24 heures … nous avons maintenant la preuve que nous sommes aussi capables du meilleur.
Par Nizar Chabbi *
La Tunisie est le seul pays du mal nommé printemps arabe, à avoir donné aux islamistes l’opportunité de gouverner, et ce une décennie entière ! Excusez du peu ! Les islamistes d’Egypte n’auront pas la chance de leur acolytes Tunisiens : la chance de montrer à leur peuple et au monde qu’ils sont incompétents, inaptes à diriger un pays, et surtout qu’ils sont aussi, voire encore plus voraces, corrompus et clientélistes que l’étaient les régimes autoritaires auxquels ils ont succédé.
Si les islamistes d’Egypte furent renversés à peine un an après leur accès au pouvoir par un régime encore plus brutal et plus violent que le précédent et qu’ils n’aient pas eu l’opportunité de nous montrer ce dont ils étaient capables en termes de (mal)gouvernance, leur lot de consolation serait peut-être qu’ils jouissent encore un peu de quelque sympathie chez une certaine portion de la société égyptienne. Pour le cas des nôtres, il n’en est rien ! Ils s’essayèrent au pouvoir 10 ans durant, et ne récoltèrent qu’une haine et un rejet de la part de la société tunisienne égaux à ceux que feu Ben Ali et son régime mirent tout de-même 23 ans à atteindre! Nos islamistes perdirent donc et le pouvoir (lentement mais sûrement au vu des dernières nouvelles), et l’appui du peuple qui vota pour eux massivement il y a 10 ans !
Se débarrasser définitivement du mensonge islamiste sans effusion de sang
Il faut voir les choses du bon bout de la lorgnette : pour se débarrasser définitivement du mensonge islamiste, la Tunisie a peut-être choisi le moins mauvais des chemins; à savoir s’acquitter de la rançon de l’appauvrissement, de l’inflation, du délitement de l’Etat, du délabrement de ses infrastructures, de la pandémie, de la mauvaise gestion de tous les services publics sans exception… afin d’éviter le chemin pris par tant d’autres et qui leur valut de payer le prix fort pour arriver au même résultat: le prix du sang!
Il n’y a pire punition pour Ennahdha et consorts que le rejet du peuple et de la fonte accélérée de sa base de fidèles et de sympathisants. Le flop magistral que fut l’image de Ghanouchi humilié devant le parlement, de son appel ainsi que ses adjoints à leurs fidèles d’accourir aux abords du parlement les 25 et 26 juillet derniers n’en sont que la preuve indéniable! Ils ont perdu leur principal atout : LA RUE !
Vu sous cet angle, la Tunisie a plusieurs stades d’avance sur tous les autres pays du monde arabe. L’islamisme usurpateur et piètre menteur, a été chez nous vomi par le peuple et non pas renversé par une dictature militaire peut être encore plus sanguinaire comme en d’autres contrées.
Le président Saied a usé de moyens strictement légaux et constitutionnels
L’ironie du sort voudra que ce fut un président conservateur, jouissant d’une légitimité aussi géante qu’incontestable, et concurrençant Ennahdha sur la même «part de marché» qu’il croyait être la sienne sans conteste, qui mit littéralement KO les islamistes et précipita même une fissure irrémédiable dans leurs rangs! Ainsi, la victoire est politique et non sécuritaire ! Ils ont été mis KO dans les plus pures règles du jeu et par un spécialiste de la matière! La cerise sur le gâteau est que ce président usa de moyens strictement légaux et constitutionnels pour ce faire ! Le tout sans armes ni violences! Ici précisément réside le paradoxe, le mystère, et même la mystique de ce dont est capable le peuple tunisien et que n’arrivent toujours pas à comprendre ni le commun des Arabes qui nous entourent d’est en ouest, ni même cet Occident qui n’a toujours pas su dans quelle catégorie nous classer depuis janvier 2011.
Il s’agit maintenant pour nous de bien saisir la situation et de ne pas commettre d’erreurs de jugement qui finiraient fatalement par germer en autant de pêchers originels. Je m’explique…
Il est urgent maintenant de purger la «plèbe» médiatique
Tout d’abord, il faudrait à mon humble avis, comme dans chaque nouvelle récolte, séparer le bon grain de l’ivraie. La suite logique du nettoyage du paysage politique entrepris par le président (et qui devrait durer un long moment) serait le nettoyage du paysage médiatique et pseudo culturel dans lequel nous vivons et qui est une des raisons de tous nos maux. Comme elle s’est auto-purgée des islamistes, la plèbe tunisienne («plèbe» étant à prendre au sens positif du terme), devrait s’auto-purger des parasites médiatiques qui n’ont aucun scrupule à changer de discours et à soutenir aujourd’hui ce même président qu’ils qualifiaient d’ovni politique, d’outsider lunatique, de Don Quichotte, avant et après son triomphe aux élections présidentielles.
Je pense ici aux molosses du micro avec la bave aux lèvres tels les Lotfi Laamari et les Mohamed Boughalleb, aux caméléons sans vergogne tel l’innommable Borhene Bsaiess, ou encore à cette singularité de l’espace-temps qui est l’incarnation d’un pseudo féminisme rance et réactionnaire qui n’est autre qu’une misandrie mal camouflée et qui découle certainement de sa situation personnelle (enfin … j’me comprends…): j’ai nommé l’égérie des vieilles filles en mal de reconnaissance Olfa Youssef. Elle aura quand-même réussi le tour de force de soutenir aujourd’hui ce même président qu’elle n’hésitait pas à qualifier de crypto-salafiste durant les élections et même après!
Il faudra à cette même plèbe, qui a magistralement mis l’hydre islamiste sur la touche en cette journée du 25 juillet, qu’elle mette sur la touche tous ces mercenaires de la plume et de la parole… de la même manière ! sans violence !… juste en les ignorant, en boycottant leurs émissions, en zappant leurs vidéos, et en ignorant leurs post infectes sur les réseaux sociaux.
La deuxième révolution ne doit pas se transformer en chasse aux sorcières
Ensuite, et sur un plan purement politiquement maintenant, il faudra faire attention.
Pour garder et sanctifier son caractère particulier et unique, cette deuxième révolution tunisienne ne doit pas se transformer en chasse aux sorcières ou en épuration aveugle. Tout député, et plus largement tout ancien ou actuel responsable politique et/ou de l’administration qui serait corrompu, devra être jugé… et avoir droit à un procès équitable! La démocratie tunisienne, qui n’est plus ni naissante ni titubante, se tient aujourd’hui devant sa deuxième vraie épreuve. La question est: saurons-nous juger équitablement, avec la juste dose de sévérité, les corrompus parmi nous? La mollesse et le laxisme seraient une impardonnable lâcheté et un lamentable retour en arrière… et l’épuration aveugle et injuste serait un dangereux glissement vers la dictature.
Il ne faut pas oublier que les structures politiques habituées à la vie souterraine comme Ennahdha, à l’image des mouvements marxistes d’Amérique latine des années 60, 70 et 80, se nourrissent de la répression ! La répression nourrit et renforce les partis d’essence totalitaire lorsqu’ils ne sont pas au pouvoir. La répression grossit et resserre leurs rangs!
Il faut donc punir avec justesse, sévérité et équité, toutes les brebis galeuses du paysage politique tunisien des 10 dernières années, qu’ils s’agisse des Nahdhaouis voraces, de la petite frappe d’Al-Karama, ou des escrocs patentés de Qalb Tounes, ou de la petit malin(e) espérant surfer sur la vague comme 3ich Tounsi.
Il faudra aussi laisser s’exprimer et jouir de leurs droits ceux des partis précités qui n’ont ni de sang sur les mains ni qui aient trempé dans des affaires de corruption.
Kais Saied est un excellent joueur de billard-politique à plusieurs bandes
Enfin, et last but not least, il faut débarrasser la scène politique tunisienne de l’autre cancer qui la ronge, ce mal qui a grandement précipité la détérioration de l’image de notre démocratie dans les abîmes de la médiocrité et du ridicule, et qui a malheureusement réussi à séduire tant de Tunisiens aux raisonnements simplistes.
Le vide politique face aux islamistes a été tellement grand, que, la nature ayant horreur du vide, l’espace vacant fut occupé par cette AUTRE aberration politique post révolutionnaire. Cet AUTRE côté obscur, fétide et nauséabond qui parasite la scène politique, et qui n’a pu prospérer que grâce à l’existence de l’hydre islamiste, à savoir le Parti destourien libre (PDL), qui n’est autre que l’enfant bâtard du défunt RCD et à sa tête l’indéfinissable créature ectoplasmique dont la bassesse ne fait que concurrencer le ridicule: Abir Moussi… et son casque. La condition sine-qua-non de l’existence politique de Moussi et de la poignée de dégénérés qu’elle charrie dans son sillage, sont les islamistes. Que ce soit sous la forme archaïque que représente Ennahdha ou sous la forme des nouveaux voyous de cafés de bas quartiers que sont les sbires d’Al-Karama. Il est devenu clair, je pense, que le tandem Ennahdha – Al-Karama d’un côté, et le PDL de l’autre ne sont que les deux faces de la même médaille. Ce sont les deux mauvais demiurges de la démocratie tunisienne, qui se nourrissent l’un l’autre, qui justifient l’existence l’un de l’autre! Les islamistes servent à Moussi d’aimant pour remplir ses rangs des mécontents de tous bords, et le PDL sert aux islamistes d’épouvantail pour resserrer les rangs de ses partisans… rangs qui sont en état avance de liquéfaction… et en témoigne le nombre ridicule et incroyablement dérisoire des troupes que Rached Ghannouchi a pu réunir devant le parlement les 25 et 26 juillet derniers.
Kais Saied s’avère être un excellent joueur de billard-politique à plusieurs bandes: il a mis d’un seul coup à nu la faiblesse des islamistes dans rue tunisienne, et par ricochet, il vient aussi de priver les crypto-RCDistes de leur plus précieux ennemis, celui sans lequel leur existence n’est plus justifiée.
* Juriste.
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