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Au-delà des effets d’annonce : La Tunisie doit tempérer ses ambitions spatiales

Kais Saied assiste, à distance, à la signature du contrat.

La Tunisie peut-elle aujourd’hui nourrir les ambitions spatiales que certains lui attribuent de manière pour le moins cavalière ? Au-delà des pseudo-projets spatiaux dont on nous rebat les oreilles, les coups de bluffs et les effets d’annonce ne sauraient tenir lieu de stratégie de conquête de l’espace. Donc, messieurs, ne donnez pas aux gens de fausses espérances et jouez cartes sur table !

Par Imed Bahri

Les médias tunisiens ont rapporté hier, vendredi 13 août 2021, qu’un accord a été signé entre la société tunisienne Telnet, représentée par son patron Mohamed Frikha, et l’Agence spatiale russe pour l’envoi d’une astronaute tunisienne à la Station spatiale internationale (ISS), faisant de l’heureuse élue «la première femme astronaute arabo-africaine à conquérir l’espace».

C’est en ces termes que cette affaire a été «vendue» et on y a embarqué le président de la république Kaïs Saïed qui a tenu à faire une allocution à cette occasion, une manière pour lui de meubler la fête nationale de la femme par une activité officielle à la hauteur de cette célébration.

Les places sont déjà prises

Le problème, car problème il y a, c’est que cette affaire a été «sur-vendue» et que ces chers médias, comme à leur habitude, s’y sont engouffrés, la tête la première, sans effectuer les vérifications d’usage.

D’abord, il convient de préciser que l’on parle d’un simple projet, comme en pullulent souvent les médias et dont beaucoup ne dépassent pas le stade de l’effet d’annonce. Et c’est encore on ne peut plus vague et ça n’engage pour le moment personne. Car il n’y a pas encore de femme tunisienne candidate pour l’espace, ni même de centre spatial en Tunisie où celle-ci, une fois choisie, pourrait être formée, et on ne voit pas vraiment l’Etat tunisien, qui est au bord de l’asphyxie financière, débourser de l’argent pour une simple curiosité sans lendemain, qui amuserait les médias un moment, mais n’aurait, à terme, aucune utilité : la concurrence dans ce domaine étant très forte et les places déjà prises.

Une affaire de casseroles

On ne voit pas non plus M. Frikha mettre de l’argent dans cette affaire (et il en faut, on l’imagine, beaucoup), même s’il semble actuellement faire des mains et des pieds pour essayer de se rapprocher du président Saïed et de l’embarquer dans ses projets de «conquête de l’espace» (prière de ne pas sourire!). Il faut dire qu’avec toutes les casseroles qu’il traîne, notamment l’affaire de la quasi-faillite de sa compagnie Syphax Airlines, M. Frikha ne peut plus compter sur la protection de son parti, Ennahdha en l’occurrence, aujourd’hui en perte de vitesse, d’autant que ce parti est également en délicatesse avec le chef de l’Etat. Situation pour le moins intenable pour lui. Et il devait faire quelque chose, quitte à faire n’importe quoi.

Par ailleurs, la Tunisie serait bien inspirée de tempérer ses «ambitions spatiales» dont elle n’a encore pas les moyens. Dans ce domaine, elle a déjà été précédée par plusieurs pays arabes et africains, qui, eux, ont déjà envoyé des satellites dans l’espace et ont acquis une certaine expérience dans ce domaine.

L’Emiratie Sarra Amiri, pionnière arabe de l’espace.

Enfin, pour l’histoire, et en espérant que la première femme astronaute du monde arabe sera tunisienne, rappelons que trois cosmonautes arabes ont déjà effectué des missions dans l’espace : le prince d’Arabie saoudite Sultan Ben Salman ben Abdelaziz Al-Saoud, qui a volé à bord de la navette spatiale Discovery en 1985, le Syrien Mohammed Faris qui, en avril 2019, a rejoint la station spatiale avec le Soyouz MS-12 et est revenu une dizaine de jours plus tard à bord de la capsule Soyouz MS-10, et, enfin Hazza Al Mansouri, pilote de chasse des forces aériennes des Emirats arabes unis, qui prit place, le 25 septembre 2019, au centre spatial de Baïkonour, dans le Kazakhstan, à bord de la capsule Soyouz MS-15. Sa mission a duré 8 jours.

Il convient aussi de rappeler, à ce propos, l’apport d’une femme arabe, Sarra Amiri, ancienne ministre d’État des Sciences avancées, et actuelle directrice de l’Agence spatiale des Émirats arabes unis, qui a piloté le lancement, le 14 juillet 2020, de la sonde Al-Amal (Espoir), vers la planète Mars.

Là ce n’était pas de simples paroles en l’air. C’était du solide et les journalistes n’ont pas été conviés à une pièce de théâtre mal ficelée et de mauvais goût.

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