Si l’investissement et la croissance économique sont à la traîne en Tunisie, c’est à cause d’une administration peu coopérative et paralysante pour les entreprises. Nous l’avons dit et redit, en vain. Une enquête vient de le confirmer avec des chiffres à l’appui.
L’enquête sur le vécu des petites et moyennes entreprises (PME) tunisiennes et leur évaluation de l’administration publique a été menée par l’Institut indépendant de sondage et d’enquêtes One To One, opérant en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, à l’initiative du Centre des jeunes dirigeants (CJD) et de la Konrad Adenauer Stiftung (KAS). Les résultats de cette enquête conduite auprès des PME ont été présentés le 8 décembre 2021 à Tunis.
Cette enquête a été conduite auprès de 500 responsables et chefs de PME tunisiennes (ne dépassant pas 200 employés) du 8 au 27 novembre 2021. Elle ne s’appuie pas sur un ressenti, mais bien sur des expériences concrètes de collaboration que ces PME ont connues avec des administrations publiques durant les 12 derniers mois précédant le sondage.
Facteur principal dans la dégradation du climat des affaires
«Au CJD, nous pensons que pour relancer et moderniser une économie, la réforme de l’administration constitue la locomotive des réformes à entreprendre. Il est clair qu’aucune autre réforme ne pourrait réussir si le processus de réforme de l’administration n’a pas été lancé. C’est donc tout à fait normal qu’elle soit la réforme la plus attendue et la plus demandée par toutes les parties prenantes citoyens particuliers ou entreprises privées», a déclaré Mouna Chaieb, présidente du CJD, ajoutant : «L’administration publique est encore perçue comme un facteur principal dans la dégradation du climat des affaires et comme obstacle majeur au développement des entreprises ce chiffre se confirme d’année en année. En effet depuis le lancement de notre baromètre on a plus de 80% des entreprises qui considèrent que l’administration publique représente une barrière ou obstacle au développement des PME. Malheureusement, cette année aussi les incitations à la corruption, qui avaient baissé en 2018, ont enregistré une hausse considérable, ce qui n’est pas pour nous rassurer en tant qu’entrepreneurs. Les priorités des dirigeants au niveau des réformes à engager reste inchangés en plaçant la digitalisation pour la sixième année consécutive comme la réforme la plus urgente. La digitalisation permet effectivement de palier à la plupart des problématiques de l’administration publique puisqu’elle permettra de clarifier les procédures, de raccourcir les délais, de favoriser plus de transparence et limiter la corruption».
La démarche suivie par le cabinet One To One
One to One réalise pour la cinquième année consécutive l’enquête de satisfaction auprès d’un échantillon de 500 PME tunisiennes. L’objectif de cette enquête est d’évaluer la qualité du service fourni par les administrations publiques aux PME. L’évaluation se fait au global en mesurant la satisfaction globale et elle se fait aussi par critère.
Cinq critères de satisfaction avaient été retenus dans le cadre de cette enquête : la rapidité du service, la clarté des procédures, la digitalisation, la qualité de l’accueil et l’efficacité.
Les questionnaires ont été remplis par téléphone avec des dirigeants au sein des PME. Des quotas par activité, gouvernorat et effectif ont été établis selon les données les plus récentes du Répertoire national des entreprises (RNE).
L’outil de mesure contient une quinzaine de questions qui portent sur la satisfaction, l’exposition des PME à la corruption et les attentes vis-à-vis des administrations publiques.
Le classement des administrations publiques se fait à travers le calcul d’un scoring global en prenant en compte les critères de satisfaction mentionnés ci-dessus, avec un zoom particulier pour la variable de la digitalisation.
Pour les ¾ des PME, l’administration est un obstacle à leur activité
Selon Youssef Meddeb de One To One, la sixième édition du baromètre des perceptions de l’administration publique par les PME montre que celles-ci sont encore dans un contexte difficile, puisque 57% d’entre elles déclarent que leur chiffre d’affaires a baissé. Plus de trois quarts des PME déclarent que l’administration publique représente un obstacle modéré, majeur ou très sévère dont 28% qui perçoivent les administrations publiques comme un obstacle très sévère au développement de leur entreprise.
L’étude démontre aussi que la corruption a augmenté durant les 12 derniers mois, en comparaison avec l’année d’avant: le tiers des PME déclare avoir été sollicité pour faire des versements non officiels lors d’au moins une des opérations proposées dans leur relation avec les administrations publiques, ce chiffre a énormément augmenté par rapport à la vague précédente (+23%).
De vague en vague, l’attente la plus importante en termes de réformes de l’administration publique demeure la digitalisation, ce chiffre était de 40% lors de la vague précédente et il passe à 45% dans cette vague.
Seulement 38,7% des PME considèrent que les administrations étudiées utilisaient suffisamment la digitalisation dans leur relation avec les PME; Le taux de satisfaction des services digitaux proposés par les administrations publiques est de 57,5% avec seulement 13,4% de très satisfaits contre 19,4% de très insatisfaits.
Par ailleurs, 85% des PME déclarent qu’il faut apporter des réformes et ajustements radicaux à l’administration publique pour mieux répondre à leurs attentes.
Le score moyen obtenu par les administrations avec lesquelles les PME ont traité durant les 12 derniers mois est de 60.6 sur 100, un score qui est à la limite inférieure d’une performance moyenne et loin de la bonne performance qui serait de 80 points sur 100. Le score de l’année dernière était de 60.4 sur 100. On considère que c’est une très faible amélioration (+0,33%), voire une quasi-stagnation après la baisse importante de -2,74% de la vague précédente.
On constate une légère amélioration au niveau de l’accueil du personnel (+1,83%) après une baisse de -3,54% perçue lors de la vague précédente, mais la performance de l’ensemble des indicateurs demeure faible, toutes à la tangente de la mauvaise performance qui serait un score inférieur à 6/10, que ce soit en termes de clarté des procédures, de la qualité de l’accueil ou de l’efficacité, avec une mauvaise performance en termes de rapidité et une note moyenne de seulement 5,67/10, au deçà des attentes des dirigeants de PME, toujours en quête de rapidité d’exécution des services.
La meilleure performance obtenue par le RNE
L’administration qui a eu la meilleure performance est le RNE, qui atteint pour la première fois un score dépassant les 70 points sur 100. C’est, rapprlons-le, la plus jeune institution publique : ceci explique-t-il cela ? Le RNE est suivi par le BNEC, l’API, la Banque centrale, le Cepex et l’Innorpi, toutes avec des scores très proches.
Le CJD est une organisation qui soutient, dans un cadre global les intérêts des jeunes dirigeants, et qui encourage, via des actions de formation, de networking, de conférences et d’information, l’amélioration de leurs performances et celles de leurs entreprises.
La Konrad Adenauer Stiftung, fondée en 1955 par Bruno Heck, est un think tank financé par le gouvernement allemand qui dispose, à l’échelle mondiale, de 78 bureaux et qui gère des programmes dans plus de 100 pays. Parmi les objectifs affichés de la Fondation, la KAS veut favoriser la promotion de la liberté, de la paix et de la justice en même temps qu’elle souhaite approfondir la coopération au développement dans divers pays.
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