Il est indéniable que, faute d’entretien adéquat, une partie du patrimoine naturel et culturel de la Tunisie est en train de dépérir dans un silence assourdissant des autorités. C’est à se demander si leur but ultime n’est pas de rayer tous nos sites naturels et archéologiques et de la carte. Le petit village Takrouna ne déroge pas à la règle.
Par Meriem Bouchoucha *
Takrouna est un petit village niché sur une colline surplombant Enfidha et les vastes oliveraies du Sahel tunisien, avec ses maisons typiques d’une époque lointaine qui tombent en ruines, menacent de disparaître, effaçant à jamais pan de notre histoire.
Ce village amazigh, habité par des maures il y a plus de quatre siècles, qui a assisté du haut de sa colline à l’une de nos plus grandes batailles pour l’indépendance, est en train de disparaître dans l’indifférence générale, y compris de ses propres enfants, dont beaucoup ont joué un rôle important dans l’histoire contemporaine de la Tunisie.
Un village fantôme abandonné de ses habitants
Takrouna connaît des éboulements récurrents entraînant l’écroulement des constructions typiques. Ces éboulements ont été suivis de plusieurs visites de têtes savantes promettant monts et merveilles : visites classées sans suite.
Takrouna offre maintenant l’image d’un village fantôme car ses habitants ont été contraints de quitter leurs maisons; l’unique restaurant et le petit musée qui accueillaient d’hypothétiques visiteurs ont mis la clé sous la porte, seuls quelques habitants font de la résistance au péril de leur vie dont «khalti» Hamida qui accueille les quelques visiteurs fidèles avec son légendaire «entrez, entrez, nous sommes tous Tunisiens ( »kolna touensa »)» et l’odeur de son bon pain à la semoule de blé, de l’huile d’olive, d’une chakchouka qui sent bon le terroir ou d’un couscous épicé.
Ironie du sort, Najla Bouden a enseigné pendant des années la mécanique du sol; elle devrait, à défaut de faire convenablement son travail de chef du gouvernement, mettre son talent d’ingénieure au profit de ce patrimoine en déshérence.
Un patrimoine insuffisamment mis en valeur
L’accélération de cette destruction de tout ce qui représente notre histoire, patrimoine et mémoire collective, n’est pas de l’ordre du concours de circonstances; d’autant plus que la Tunisie peut être aidée par plusieurs instances internationales, étant donné que la culture et la nature sont des valeurs universelles.
Ayons également une pensée pour notre faune du sud livrée aux braconniers, nos réserves naturelles victimes des braconniers, tunisiens et étrangers, nos sites archéologiques aussi célèbres que peu visités, car mal préservés et insuffisamment mis en valeur, voire livrés aux pilleurs de tous bords.
Crions notre colère ! Et mettons tous la main à la pâte pour essayer de sauver notre mémoire ! Ceux qui nous gouvernent ayant l’esprit ailleurs, occupés par d’autres urgences qu’ils gèrent du reste très mal.
* Docteur en économie.
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