La famille de l’ancien député et homme d’affaires Jilani Daboussi, décédé le 8 mai 2014, quelques heures après sa sortie de prison, après 31 mois d’incarcération sans procès, reprend espoir et relance son combat contre Noureddine Bhiri, l’ancien ministre de la Justice, qu’ils considèrent comme le principal responsable de la mort de l’ancien député et maire de Tabarka.
Par Imed Bahri
Citée par France TV Info, dans un article publié le 14 avril 2019, Sarah Daboussi, médecin généraliste au quartier Croix-Rouge à Reims, où son père avait fait ses études de médecine et d’économie et où elle était née, raconte le combat mené par sa famille depuis 5 ans pour que l’Etat tunisien reconnaisse son implication dans la mort de son père.
Violations criantes des droits civils et politiques
Les Daboussi avaient saisi, en mars 2019, le Comité des droits de l’homme de l’Onu concernant la mort de Jilani Daboussi, médecin et homme d’affaires franco-tunisien. Cette requête vise à constater «les violations criantes du Pacte international relatif aux droits civil et politique» par la Tunisie à l’encontre de l’ancien homme politique.
La justice française s’était saisie elle aussi de l’affaire, à travers le tribunal de grande instance de Paris, mais elle a estimé ne pas être maître des investigations devant être menées, d’autant que la demande d’entraide envoyée aux autorités tunisiennes resta jusqu’ici sans réponse, précisent les Daboussi, qui sont conscients du fait que l’affaire Daboussi est «un caillou dans la chaussure de la coopération franco-tunisienne», selon l’expression de Sarah, qui s’empresse d’ajouter : «Mais la mort de mon père ne peut pas être un dégât collatéral».
Jilani Daboussi, ancien député et maire de Tabarka, était très impliqué dans la politique tunisienne sous Bourguiba puis sous Ben Ali. Il était l’un des ténors de l’Assemblée nationale et sa verve tribunicienne avait même dérangé Ben Ali qui, vers la fin de son règne, le réduisit au silence.
Dr Daboussi dérangeait les ambitions des islamistes
Au lendemain de la chute de ce dernier, les islamistes du parti Ennahdha qui ont accédé au pouvoir n’ont pas tardé à lancer une chasse aux sorcières contre les figures de l’ancien régime, dont Dr Daboussi, un laïque dont le franc-parler dérangeait les ambitions des nouveaux maîtres du pays.
Convoqué au tribunal en octobre 2011 pour des faits de corruption, le député n’est pas rentré à la maison. Il sera incarcéré durant 31 mois et trimbalé d’une prison à une autre, sans procès. Diabétique, il ne peut pas se soigner correctement en prison. Après un infarctus, le traitement débouche sur une insuffisance rénale et le prévenu est obligé de se pratiquer une dialyse. «S’il n’était pas médecin, il serait mort dès le début», soupire son épouse Annie Daboussi.
Ils l’ont libéré pour qu’il meure chez lui
Les mois passent et la santé de Daboussi se dégrade. Le 8 mai 2014, son épouse reçoit un coup de téléphone. C’est la prison dans laquelle est enfermé Dr Daboussi. Elle se souvient : «C’était en fin d’après-midi. J’étais étonnée, car mon mari m’avait prévenue que s’ils le libéraient, ce serait forcément vers minuit ou une heure du matin, pour éviter les débordements. Je suis allée le chercher avec deux médecins. Il était en fauteuil, nous avons dû le porter car il ne tenait plus sur ses jambes. Il avait beaucoup maigri». Arrivé chez lui, il eût juste le temps de prendre une douche. Quelques heures après, il décède chez lui. «Ils savaient qu’il allait mourir. Ils l’ont fait sortir pour qu’il meure chez lui. S’il mourrait en prison, c’était une nouvelle révolte dans le pays», accuse sa fille.
Avec la mise en résidence surveillée de Noureddine Bhiri, le 31 décembre 2021, dans le cadre d’une investigation sur une affaire terroriste, les Daboussi reviennent à la charge : ils espèrent que la justice tunisienne accepte enfin de se saisir de l’affaire de la mort suspecte du Dr Daboussi, qui, selon eux, était victime de l’esprit revanchard de l’ancien ministre de la Justice et de ses Frères musulmans, notamment Abdellatif Mekki, ministre de la Santé au moment des faits, aujourd’hui rattrapés par les innombrables abus qu’ils ont commis au cours de la dernière décennie, en mettant leur grappin sur les rouages de l’Etat tunisien.
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