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Saïed va-t-il changer le quotidien des Tunisiens… par des lois ?

Kaïs Saïed croit pouvoir régler tous les problèmes de la Tunisie par l’accumulation des textes de lois. Or, on le sait, les problèmes de notre pays ne viennent pas du fait que nous manquons de lois, mais, au contraire, ils viennent de l’inanité de certaines des lois existantes dont beaucoup sont rarement appliquées.

Par Imed Bahri

Dans son traditionnel speech d’ouverture du conseil des ministres, samedi 15 janvier 2022, au palais de Carthage, le président de la république a affirmé son «rejet de toute tentative suspecte d’ingérence dans les affaires intérieures» de la Tunisie, soulignant que «l’Etat tunisien, son peuple et ses lois sont indivisibles», et qu’«aucune tentative pour le renverser ou instrumentaliser ses moyens ne sera tolérée», ajoutant que ces moyens «doivent rester publics et neutres.»

Appel du pied en direction des magistrats

Saïed a également exhorté les magistrats – auxquels il avait souvent reproché de tremper dans des magouilles politiques et de se dérober à leurs responsablités dans l’imposition de la loi à tous, sans dicrémination ni allégeance à aucune partie – à «être une force d’initiative et de proposition», et les a appelés à participer au processus de réforme pour parvenir à la justice dans le pays.

Le chef de l’Etat répondait ainsi au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui lui reprochait de vouloir imposer des réformes du système judiciaire par décret présidentiel, de manière unilatérale et non concertée avec les premiers concernés, les magistrats eux-mêmes.

D’autre part, le président de la république a envoyé un message qui se voulait rassurant aux hommes d’affaires, indiquant que la loi relative à la médiation pénale qu’il entend faire promulguer «ne vise pas à lancer des poursuites contre eux, mais plutôt à récupérer l’argent du peuple», faisant allusion à ceux d’entre eux qui auraient bénéficié de privilèges indus et qui devraient les restituer à l’Etat.

Encore faut-il prouver les abus reprochés aux uns et aux autres et évaluer le préjudice causé à la communauté nationale, ce qui, au rythme où va la justice dans notre pays, nécessitera quelques années encore. Et d’ici là, les régions déshéritées, pour lesquelles le président fait miroiter le mirage du bénéfice des sommes devant être restituées à l’Etat dans le cadre de ce mécanisme de médiation pénale, pourraient-elles encore attendre ?

Pour lutter contre la spéculation, vite une loi !

Sur un autre plan, et pour lutter contre la spéculation qui fait augmenter les prix sur le marché et rogne sur le pouvoir d’achat des citoyens, le chef de l’Etat a appelé à l’élaboration de nouveaux textes pour réglementer les circuits de distribution et à l’accélération de la préparation du texte portant création du Conseil supérieur de l’éducation, un secteur très mal en point et qui est en passe de devenir un frein au développement du pays.

Toutes ces annonces sont intéressantes, sauf que… le président Saïed, croit, sans doute par déformation professionnelle, étant professeur de droit de son état, qu’il peut régler tous les problèmes du pays par l’accumulation des textes de lois. Or, on le sait, tous les problèmes de la Tunisie ne viennent pas du fait qu’elle manque de lois, mais, au contraire, de l’inanité de certaines lois existantes dont beaucoup sont d’ailleurs rarement appliquées, faute de volonté politique ou parce que les autorités publiques censées veiller à leur application ne disposent pas des moyens matériels et humains pour le faire.

Alors une loi de plus ou de moins, cela ne changera pas beaucoup le quotidien difficile des Tunisiens qui attendent des décisions autrement plus concrètes que des textes de lois.

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