Dans la soirée du mercredi 16 février 2022, sur le plateau de ‘Rendez-vous 9’ d’Attessia, les «très modestes» connaissances économiques du président de la république ont été mises en charpie. Deux grosses pointures du domaine –Hatem Mliki et Ezzeddine Saïdane– se sont accordés pour dire que le locataire du Palais de Carthage est en train de faire tout le contraire de ce qu’il devrait faire pour faciliter la tâche à sa cheffe de gouvernement, Najla Bouden, le jour où elle se présentera, avec ses dossiers sous le bras, devant la direction générale du FMI… Vidéo.
Par Moncef Dhambri *
Pour son émission, l’animatrice de ‘Rendez-vous 9’, Malek Beccari, a invité l’ancien député indépendant Hatem Mliki et l’expert économique Ezzeddine Saïdane –autant dire, d’emblée, que l’approche économique et financière de M. Saïed, très approximative, allait passer un sale quart d’heure sous les fourches caudines de ces deux grands connaisseurs des dossiers économiques de notre pays.
Les illusions sont permises dans l’«absurdistan saïedien»
Durant les 45 minutes des 2e et 3e parties de l’émission, le marteau Mliki et l’enclume Saïdane n’ont pas fait de cadeau au populisme de Kaïs Saïed et à ses grandes envolées lyriques sur «les milliards de milliards!» dont le peuple tunisien a été spolié et qu’il soutient mordicus qu’il récupérera… bientôt.
L’un comme l’autre, les deux invités ont dézingué le grand enfumage du Chevalier d’El-Mnihla, qui consiste à faire croire à son «peuple [qui] veut» qu’il suffirait de peu de choses pour remettre la Tunisie sur les bons rails et que ses chimériques pyramide décisionnelle inversée, comités populaires et coopératives… redynamiseront la croissance de l’économie tunisienne, créeront des emplois et distribueront les infinies richesses que recèle notre pays… Dans l’«absurdistan saïedien», tout est faisable, tout est possible.
Hatem Mliki n’y va pas par quatre chemins : «En tant président de la République tunisienne, la responsabilité nationale dicte à Kaïs Saïed de mettre à la disposition de Mme Bouden toutes les conditions de réussite de ses pourparlers avec le FMI», explique-t-il, en s’empressant d’ajouter : «Croyez-moi, il n’est en train de rien faire de tout cela. C’est plutôt le contraire qui se passe.»
Le député indépendant ironise : «Partie comme elle est, le jour où Mme Bouden se présentera au siège du FMI, à Washington, le concierge de l’immeuble lui dira ‘Madame, vous devriez laisser tomber car ils [la direction du FMI, ndlr] ne vous donneront rien…’»
Pour justifier son verdict assassin, M. Mliki présente quatre critères que la Tunisie doit obligatoirement satisfaire pour mériter le coup de pouce du FMI. Selon le député indépendant, il n’y a pas à tortiller, «les choses sont simples et les conditions du Fonds monétaire sont claires et nettes : 1/la stabilité; 2/les consultations internes et le dialogue inclusif; 3/le programme des réformes; et 4/ les discussions techniques.»
«Mettez de l’ordre dans vos affaires et repassez un autre jour ! »
Mliki se désole : «La Tunisie ne répond pas du tout à ces quatre critères. Et le président de la République est le premier responsable de cet échec. Qu’il le veuille ou pas, en prolongeant indéfiniment la situation d’exception, M. Saïed complique sérieusement les négociations avec le FMI. Qu’il refuse obstinément, à l’intérieur, toute sorte de dialogue, qu’il dise qu’il n’approuve pas les réformes incluses dans la loi des finances (présentée par le gouvernement dont il préside le conseil chaque jeudi, Ndlr) et qu’il décide, la veille de l’ouverture des discussions techniques à distance avec une délégation du FMI, de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature (CSM)… Tout cela, ajouté aux maladroites déclarations de M. Saïed selon lesquelles certains dons étrangers et certains prêts internationaux ont été détournés, volés…»
«Soyons honnêtes, conclut Hatem Mliki, le FMI, la Banque mondiale, l’Union européenne et les autres bailleurs de fonds de la Tunisie diront au président de la République : ‘Mettez de l’ordre dans vos affaires, Monsieur, et repassez nous voir un autre jour’».
Voilà, tout est dit. On peut être un homme honnête, intègre et authentique; on peut être un brillant constitutionaliste; on peut être l’idole des masses et à la tête de tous les sondages de popularité et des intentions de vote… on peut être tout cela –fanfaron et narcissique aussi !–, un jour, souhaitons que cela sera le plus proche possible, Kaïs Saïed réalisera que toutes les qualités que Dieu lui a données et le concours de circonstances qui a fait de lui président de notre République tunisienne n’ont pas fait de sa personne –malheureusement pour nous, comme pour lui– un bon gestionnaire des affaires de notre pays. Et sur plusieurs plans…
* Universitaire à la retraite et journaliste.
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