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La Cour suprême américaine et le jour du jugement dernier

Ramirez attend dans le couloir de la mort depuis 2008.

Le Texas procède aux exécutions par injection létale. La dernière volonté d’un condamné à mort avant de rejoindre l’au-delà est de partir au son de la voix de son guide spirituel et la dernière et unique parole qu’il veut entendre est la parole de Dieu avant que mort s’ensuive. John Ramirez fait appel devant la Cour suprême des Etats-Unis après avoir perdu devant les tribunaux inférieurs à quelques jours de la date de son exécution.

Par Mohsen Redissi *

La haute cour a rendu son verdict le 24 mars 2022 par huit voix contre une, en faveur de la demande du condamné à mort. Son vœu le plus cher, et le dernier de toute manière, est que son conseiller spirituel pose la main sur son corps et prie à voix audible pendant son exécution. La vocalisation de la prière et le toucher sont des aspects de la tradition baptiste selon son avocat. En rejetant sa requête, les instances judiciaires du Texas violent le premier amendement de la constitution américaine qui fermement garantit la libre pratique de la foi.

Les autorités pénitentiaires justifient le refus par souci de ponctualité. Elles ne veulent pas perturber la quiétude du condamné et limiter au maximum la perturbation de la cérémonie. L’exécution d’une sentence de mort suit d’une façon générale un rituel immuable; elle a un rythme propre à elle. Le condamné doit retrouver ses bourreaux en totale possession de ses facultés physiques et mentales. L’exécution est reportée si le condamné est défaillant. C’est la mécanique du vivant.

Foi et rites sous la protection de la Constitution

Ramirez, le condamné à mort par injection, est depuis 2008 dans le couloir de la mort pour un crime commis en 2004. Le juge Clarence Thomas, le juge dissident, justifie son objection d’accorder le dernier service religieux au condamné de peur de voir Ramirez jouer à la prolongation de son incarcération. Un procès d’intention qui n’a rien avoir avec le droit.

Le refus d’administrer les derniers sacrements est contraire à la Loi sur l’utilisation des terres à but religieux et les personnes institutionnalisées, RLUIPA. Cette loi interdit au gouvernement d’imposer une quelconque entrave dans l’exercice de la religion à un individu, y compris un groupement religieux ou une institution.

John Roberts, le Juge en chef, accuse l’Etat du Texas de manquement. Les autorités pénitentiaires ont porté atteinte au droit religieux d’un détenu. Selon lui, Ramirez est devenu «incapable de se livrer à un exercice religieux protégé dans les derniers instants de sa vie».

Des mesures et des potences

Dans d’autres circonstances, cette même cour a, en 2019, rejeté 5 voix contre 4, un score serré, les prières d’un condamné musulman d’être accompagné par un imam dans la chambre d’exécution. Quelques mois plus tard, elle ordonne l’arrêt de l’exécution d’un condamné bouddhiste. Il a poursuivi en justice le ministère de la Justice pénale du Texas pour avoir empêché son prêtre de l’accompagner dans la chambre de la mort.

L’affaire Ramirez repose sur la place que jouent le spirituel et l’accompagnement du condamné à mort dans ses derniers instants. Répondre aux exigences du condamné Ramirez, ou tout autre, entraînerait l’État dans une spirale infernale. Chaque condamné a son rituel. L’Etat essaye d’éviter de tomber dans la trappe. La Cour suprême veut mettre un terme à cette hésitation et le manque de transparence. Elle a tranché en donnant raison à Ramirez dans sa demande ici-bas à sa façon de partir rejoindre l’au-delà; il veut mourir en entendant son guide spirituel lui chuchoter la parole de Dieu.

La décision de la Cour pourrait changer le comportement des autorités judiciaires et pénitentiaires concernant les demandes d’accompagnement religieux des condamnés sans distinction aucune.

* Haut fonctionnaire à la retraite.

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