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Ketanji Brown Jackson, une Afro-américaine à la Cour suprême des Etats-Unis

Biden tient beaucoup à la réussite de sa candidate.

L’audition de Ketanji Brown Jackson devant le Sénat au grand complet, sauf défaillance physique de l’un des sénateurs, est prévue pour le 21 mars 2022; l’égalité parfaite 50-50 jette son ombre sur le Capitole. L’enjeu est de taille. Les Démocrates ont déjà perdu des sièges à la Cour suprême par manque de lucidité (1).

Par Mohsen Redissi *

Ketanji Brown Jackson est la candidate choisie par le président Joe Biden pour remplacer le juge associé démissionnaire Stephen J. Bryer; si confirmée, elle occupera le siège n°2 laissé libre par le départ de ce dernier.

Aussitôt le FBI et l’American Bar Association ont ouvert leurs enquêtes à la recherche de l’information qui fasse défaut. La vie, l’œuvre et le vécu du choix présidentiel vont être passés au crible fin. L’histoire méconnue ou secrète de la candidate, de ses parents et ses proches sera exposée au grand jour. Aucun alibi n’est accepté. Ils interrogeront tout témoin extérieur, jugé nécessaire, pour éclairer le côté obscur de leurs investigations. Il sera appelé à témoigner en séance plénière devant le Sénat si besoin est.

Faire progresser l’équité dans les instances fédérales

Dans le camp adverse, chaque sénateur mène sa propre contre enquête. C’est une pratique courante pour tout candidat, ministre ou directeur d’agence nationale ou ambassadeur… pour éviter tout conflit d’intérêt et ne pas éclabousser un gouvernement par des affaires sordides. Le peuple se lasse très vite des affaires de bas étages.

Le président Biden a jugé nécessaire de laisser son empreinte sur le système judiciaire fédéral, il a déjà nommé plusieurs juges aux tribunaux de districts. Ketanji Brown Jackson serait la première femme afro-américaine «la plus qualifiée» pour remplacer le juge Breyer à la Cour suprême selon lui. Il tient à remplir une vague promesse faite lors de la campagne présidentielle de 2020 de diversifier davantage sa Cour. D’après les experts, cette simple promesse l’a propulsé à la Maison blanche; l’électorat noir et les féministes ont voté massivement en sa faveur. La Haute cour doit elle aussi refléter la grandeur et la diversité de la nation américaine. Il tient à y remédier par des nominations historiques, un aspect sur lequel le cabinet présidentiel insiste beaucoup. Après la prise de ses fonctions en janvier 2020, président Biden a signé le décret de la Diversité et de l’Inclusion (2) pour faire progresser l’équité dans les instances fédérales.

Lors d’une cérémonie tenue à la Maison blanche pour présenter sa candidate Jackson, président Biden a déclaré, que «pendant trop longtemps, notre gouvernement, nos tribunaux, n’ont pas ressemblé à l’Amérique». Il est temps pour l’Amérique entière de mettre fin à cette injustice dans une cour entièrement composée d’hommes blancs pendant près de deux siècles.

Biden accusé de… discrimination raciale !

Madame Jackson entre dans la course pour sa nomination comme juge associée avec trois handicaps majeurs : le genre, la couleur, et une histoire juridique controversée. Les Républicains accusent, à tort ou à raison, le président Biden d’impartialité et qualifient sa promesse de nommer une femme et seulement une femme noire de discrimination raciale. La première étape dans la lutte contre la discrimination raciale est d’arrêter de la pratiquer en élargissant l’éventail de la recherche pour dénicher le candidat qui sied au mieux au siège de la Cour suprême. D’autres présidents l’ont fait avant lui en favorisant la race ou le genre ou la confession.

Jackson a fait partie des trois juges de la Cour d’appel du district de Columbia qui a rejeté en décembre la tentative de l’ancien président Donald Trump d’empêcher la remise de dossiers compromettants au comité de la Chambre des représentants enquêtant sur l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole. Pour les Républicains son histoire juridique est chargée. En tant qu’avocate et juge, elle a défendu et fait libérer des criminels. Certains de ses clients étaient jugés pour terrorisme rétorquent les Républicains, à quoi elle répond que tout accusé est innocent jusqu’à preuve du contraire et que nul ne peut être jugé sans un procès équitable.

Jackson a été au début de sa carrière auxiliaire juridique du juge Breyer. Ironie du sort, elle se prépare à endosser sa soutane. L’atmosphère feutrée, la politesse et la courtoisie de la Cour ne lui sont pas étrangères. La candidate, pour soigner une image ternie par des attaques à la limite racistes et assurer le soutien à sa cause du camp adverse, a engagé une offensive de charme auprès des membres influents du Sénat, républicains et démocrates. Elle a frappé à la porte du chef de la minorité (Républicain) et le chef de la majorité (Démocrate). Sa quête d’apaisement l’entraîne vers le bureau du président de la Commission judiciaire du Sénat (Démocrate) et les principaux et influents membres de cette commission.

Le National Women’s Law Center considère que nommer une femme noire à la Cour est un signe que l’Amérique progresse dans la lutte contre le racisme. La nomination comporte une signification profonde, elle est une source d’inspiration pour toutes les autres couches de la société américaine. Les Black Chambers, l’organisation regroupant les entreprises appartenant à des Noirs, a écrit une lettre aux dirigeants de la Commission judiciaire du Sénat soulignant la longue expérience de Jackson y compris en tant que défenseur public et a exhorté le Sénat à la confirmer rapidement. Pour le vice-président Kamala Harris «l’idée qu’il y aurait une femme noire sur le terrain consiste à s’assurer que cette Cour prend des décisions qui reflète les expériences de tous les Américains.»

Le 3e juge noir de l’histoire de la Cour suprême

Les audiences de confirmation débuteront 21 mars pour quatre jours répartis entre la déposition et les contre-interrogatoires. Les démocrates veulent en finir en confirmant leur candidate avant la trêve de la mi-avril. Ils sont en mesure d’assurer la confirmation de leur étalon noir par eux-mêmes; une égalité parfaite au Sénat 50-50, mais ils veulent une candidature appuyée par un vote bipartisan. Certains sénateurs républicains ont ouvertement déclaré leur intention d’appuyer le choix du président Biden. En cas d’égalité, le vice-président en même temps président du Sénat vote pour rompre l’égalité.

Si elle est confirmée, Jackson sera le troisième juge noir de l’histoire de la Cour suprême après Thurgood Marshall (1967) et Clarence Thomas et la sixième femme, Sandra Day O’Connor (1981). Elles seront quatre femmes, Ruth Joan Bader Ginsburg, Sonia Sotomayor, Elena Kagan et Amy Coney Barrett, à siéger ensemble dans une cour de neuf membres.

La question est de savoir si le moment est venu pour les membres de la Cour suprême d’élaborer un motus vivendi clair sur l’utilisation de la race, le genre et la confession dans le choix des candidats (3). Accéder à la plus haute instance juridique du pays est une alchimie où plusieurs facteurs sont pris en considération; ils pèsent lourd à l’échelle de la sélection et sont déterminants pour la confirmation par le Sénat.

* Haut fonctionnaire international à la retraite.

Notes :

1-Redissi, Mohsen. La Cour suprême américaine : Un fauteuil pour deux. Kapitalis (12 février 2022)

2- White House Order on Diversity, Equity, Inclusion, and Accessibility in the Federal Workforce. June 25, 2021. Accessed, Feb 14, 2022. ( 13 Pdf pages)

3- Redissi, Mohsen. Etats-Unis: Le président Biden au chevet de la Cour suprême. Kapitalis (12 janvier 2022).

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