Le 18 avril 2022, le Journal officiel de la république tunisienne (Jort, n° 165) a rendu public la liste des activités économiques où l’exercice n’est plus soumis à une autorisation préalable. Pourtant, cinq ans en arrière, le 1er avril 2017, les initiateurs de la loi sur l’investissement avaient fait entendre que la liberté d’investir était devenue la règle et que l’autorisation n’était plus qu’une exception, au point d’autoriser la conclusion que l’environnement d’investissement venait d’avoir un vrai coup de pouce. Est-ce vraiment le cas ? Qu’on nous permette d’en douter… Car, dans ce domaine comme dans d’autres, en l’absence de véritables réformes, tout reste encore à faire.
Par Mokhtar Chouari *
On s’attendait à un officiel qui expliquerait le pourquoi de la suppression desdites autorisations et surtout l’impact attendu en termes financier, économique et social de cette «audace règlementaire». On attendait aussi une réponse à la question suivante : en quoi la suppression de ces 25 autorisations va-t-elle encourager l’investissement local et étranger? Mais cette question n’a pas bénéficié de l’intérêt espéré de la part des parties concernées. La seule réaction notable, deux jours après l’annonce, a été celle d’un expert économique qui déclarait à un media de la place que «le gros du travail sur le climat de l’investissement n’a pas été fait». En d’autres termes, tout restait encore à faire.
Absence d’une vraie stratégie de communication
La suppression desdites autorisations, longtemps présentées comme des obstacles majeurs à l’investissement, qu’il soit local ou étranger, n’a même pas enthousiasmé les responsables de la promotion économique, qui n’ont pas cru devoir construire un discours sur les bienfaits de cette décision et ses retombées positives attendues sur l’environnement des affaires ni faire le marketing à l’international de cette énième retouche apportée au cadre réglementaire de l’investissement. S’est-on trompé de problème et donc, forcément, de solution? Ou les parties prenantes se sont-elles trompées de stratégie de communication?
Du côté des deux principaux protagonistes de la promotion économique en Tunisie, à savoir l’Agence de promotion de l’investissement extérieur (Fipa Tunisie) et la Tunisia Investment Authority (TIA), qui se «relayent» habituellement sur les plateaux télés et les studios des radios pour «vendre» la destination Tunisie, on a semblé ne pas accorder un grand intérêt à cette «innovation réglementaire» qui n’est peut-être pas une aux yeux de leurs responsables. Quoi qu’il en soit, la doyenne de la promotion économique, l’Agence de promotion de l’investissement (API), qui avait donné naissance en 1995 à la Fipa, laquelle a donné naissance en 2016 à la TIA, s’est trouvée dans l’embarras, car c’est elle qui, au final, est comptable de l’évolution de l’investissement dans notre pays, et qui, malheureusement, n’a jamais atteint des niveaux aussi bas qu’au cours des dernières années.
La diplomatie économique a du mal à démarrer
En attendant la mise en place d’une stratégie concertée de communication, les responsables de la Fipa et de la TIA continuent d’alimenter les médias par les mêmes données chiffrées sans trop tenir compte des évolutions en cours aussi bien en Tunisie que dans le monde.
Mais sans feuille de route, ni termes de référence en la matière, ni délimitation des frontières d’intervention des acteurs déployés sur terrain par les différentes agences (Cepex, Fipa, OTE, ONTT…), la diplomatie économique tunisienne a du mal à démarrer.
En pleine période de crise politique et économique, l’annonce d’une reforme aussi importante (suppression de 25 autorisations) aurait dû être expliquée d’abord aux principales parties censées les «vendre» aux investisseurs potentiels. Mais ce travail ne semble pas avoir été fait. Est-ce parce que la communication économique de la Tunisie, où différents acteurs continuent de se marcher sur les pieds les uns des autres, est arrivée à la fin d’un cycle? Est-elle en panne de vision et d’imagination? L’actualité tunisienne en matière économique est-elle tellement plate qu’elle ne peut justifier une offre promotionnelle crédible?
Quoi qu’il en soit, un nettoyage est nécessaire pour balayer les mauvaises pratiques et élaborer un projet national de rebranding de la Tunisie comme une destination d’investissement qui ne manque pas d’atouts, une stratégie avec des objectifs bien identifiés et qui tient compte des évolutions en cours dans le monde.
* Diplômé de l’IHECS Bruxelles en stratégie de communication des organisations.
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