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Tunisie – Tourisme : Quelle stratégie en riposte à la guerre en Ukraine ?

Revenus en force en Tunisie en 2019, les touristes russes vont beaucoup manquer cet été aux hôteliers tunisiens.

Faut-il sortir de Polytechnique pour comprendre qu’en plus de l’Open Sky, le charter restera nécessaire pour la Tunisie, sa diaspora, son économie et son tourisme ?

Par Hakim Tounsi *

Pour sauver son industrie touristique, la Turquie compte créer une compagnie aérienne charter basée à Antalya, dédiée uniquement au marché russe et apte à produire 1 million de sièges. Turkish Airlines va de son côté offrir 1,5 million de sièges aux touristes russes désirant se rendre en Turquie cet été. Les autorités turques vont aussi injecter 300 millions de dollars Ud, sous forme de prêts garantis par l’Etat, aux 3 grands tours opérateurs russes pour pouvoir relancer les ventes.

Le marché russe représentait en Turquie une part de 14% des arrivées internationales en 2019 et autour de 23% en 2021 totalisant 7 millions de touristes.

Mettre en place un véritable pont aérien

Pour la Tunisie dans les 9,4 millions de touristes accueillis en 2019, 600.000 étaient russes et 33.000 ukrainiens, soit 22,7% des européens et 6,7% du total des entrées.

Quelle stratégie alors chez les Tunisiens pour faire face à la guerre en Ukraine et à la perte probable de 650.000 clients ?

Je vais répéter ce que je martèle, envers et contre tous, depuis plus de 20 ans. Il est incontournable selon moi pour la Tunisie de maîtriser son aérien avec une stratégie agressive cohérente avec les objectifs de son secteur du tourisme et de son économie.

Il nous appartient de mettre du stock charter à bas prix pour le tourisme y compris pour le retour des Tunisiens résidant à l’étranger (TRE), quitte à ce que ces vols soient de nuit, afin de sauver le secteur du tourisme et l’économie nationale. Un véritable pont aérien doit, comme par le passé, être mis en place tous les étés vers toutes les métropoles de Tunisie en provenance de l’Europe et notamment de France où résident plus de 1,2 millions de Tunisiens.

Paradoxalement, nous continuons à hésiter, à ne prendre en considération que les recommandations de l’Union européenne, du FMI, de la Banque mondiale et de tous ceux à qui nous n’arrivons plus à rembourser l’argent qu’ils nous prêtent. N’écoutons surtout pas les professionnels tunisiens, les seuls qui ramènent de l’argent au pays et qui ne le lui prêtent pas, et continuons à les ignorer, continuons notre sieste !

Des réservations compromises par la guerre en Ukraine

La compagnie d’assurance et de réassurance Lloyds, qui est la seule au monde à accepter ou non in fine d’assurer les gros risques aériens, boycotte le trafic aérien civil de la Russie vers le reste du monde y compris vers la Tunisie. L’Egypte et la Turquie ont décidé de passer outre et d’assurer eux-mêmes le trafic aérien touristique pour sauver leurs économies et leurs peuples. Selon des sources informées, plus d’une trentaine d’avions par semaine étaient programmés de Russie et de son voisinage vers la Tunisie pour cet été. Une programmation plus que compromise suite à la guerre en Ukraine et de ses retombées.

Au même moment les prix de l’aérien entre la France et la Tunisie atteignent des records pour cet été sans réactions consistantes de la partie tunisienne à la hauteur de ce que font les Turcs ou les Egyptiens pour esquiver les dangers d’effondrement de leurs économies nationales.

En Tunisie, nous avons voulu tuer le charter et le tour opérating pour ne plus compter que sur le stock aérien des compagnies régulières et le dynamic packaging, alors regardons en face le résultat. Quel package pour le tourisme voulez-vous faire avec des prix aériens flirtant avec les 800 euros à certaines dates et dans tous les cas jamais en dessous de 450 à 600€ ?

Pour un modèle de transport hybride, régulier et charter

L’Open Sky à lui seul ne résoudra jamais la problématique du tourisme tunisien car la demande vers la Tunisie ne sera jamais linéaire pour permettre la venue de lignes régulières qu’elles soient low cost ou classiques. Des études y compris américaines, puis que nul n’est prophète dans son pays, ont conclu que le tourisme tunisien nécessite un modèle de transport hybride entre le régulier et le charter qui restera indispensable pour accompagner les pointes. Il est évident que la demande de sièges vers la Tunisie par exemple depuis la France atteint des records lors des vacances scolaires et notamment l’été où la demande touristique se cumule avec celle des Tunisiens rentrant au pays. Une pointe record qui ne dure que 60 jours et qu’il est impossible de traiter avec le trafic régulier même moyennant des vols supplémentaires ponctuels.

Faut-il sortir de Polytechnique pour comprendre cela ! En plus de l’Open Sky, le charter restera nécessaire pour la Tunisie, sa diaspora, son économie et son tourisme.

En attendant, les distributeurs de voyages s’inquiètent pour 2022 et réfléchissent aux alternatives sans réellement en entrevoir. Une contribution significative de la partie tunisienne de l’Etat tunisien qui soit à la hauteur de la gravité de la situation reste indispensable.

* Economiste, dirigeant fondateur du TO Authentique, Paris.

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