In memoriam : Borhane Ben Miled passe dans la pièce d’à côté

L’une des plus belles plumes qu’ait connues le journal La Presse et la presse francophone tunisienne, Borhane Ben Miled, nous a quittés hier, mardi 31 mai 2022. Homme de grande culture, le défunt était affable mais discret. Très discret. La preuve: on n’a pas trouvé sa photo dans nos archives ni sur le web pour illustrer cette nécrologie. Il a marqué de son empreinte la critique culturelle en Tunisie au cours des quarante dernière années. Sa collègue et amie lui rend hommage dans le post facebook que nous reproduisons ci-dessous.

Par Mounira Aouadi

Comment dire adieu à un être cher, à un confrère dont les qualificatifs, tous les qualificatifs paraissent insignifiants ?

Un ami vient de m’annoncer la disparition de Borhane Ben Miled et le ciel me tombe dessus ! Comment est-ce possible ? Un homme, un ami, un confrère comme on n’en fait plus ! Je suis tétanisée.

Il faut que je vous parle de lui! D’une délicatesse extrême, d’une courtoisie exquise et d’une discrétion que l’on ne trouve que chez les êtres supérieurs.

Dieu, que c’est dur, extrêmement dur de supporter cette triste nouvelle…

Je le vois avec toute sa superbe saluer tout le monde d’une poignée de main ferme et bienveillante, puis s’installer à son bureau avec tous les journaux qu’il parcourait avec attention, puis se mettait à lire les papiers envoyés par des collaborateurs et des collaboratrices d’ici et de France pour « Le Supplément littéraire » dont il était responsable. Je disais d’une discrétion à faire pâlir les parvenus d’aujourd’hui.

Assise en face de lui, il me regardait en m’intimant le silence quand il y avait du grabuge. J’étais la seule qui collaborais avec lui. Il attendait mes papiers, alors que je faisais partie du service culturel avec Bady Ben Naceur, un autre de mes amis chers, disparu lui aussi tout comme Sadok Ben Mahmoud dont la mémoire avait flanché sûrement avec « Les choses qui fâchent » , sa rubrique très lue et patiemment attendue. Dieu, que c’est dur de les évoquer aujourd’hui qu’ils ne sont plus là…

Borhane Ben Miled était de la trempe des Grands Hommes. Que c’est dur d’employer le passé quand il s’agit de quelqu’un d’extrêmement courtois, hautement respectueux d’autrui et magnifiquement respectable. Il avait de qui tenir : une famille citadine en plein coeur de la Médina. Une lignée et un héritage de valeurs et de principes.

J’étais la seule qui faisais partie de son cercle de littéraires et, quand le moment était venu pour lui de prendre sa retraite, il me désigna contre toute attente comme sa remplaçante. Grincements de dents de beaucoup, mais lui savait qu’il avait fait le bon choix pour rester dans la modestie. Et je ne l’avais pas déçu. Il était extrêmement fier de moi quand on se voyait pour le café du matin. Il me disait que j’avais tout chamboulé, mais dans le bon sens. Quelle élégance! L’homme était comme ça. Nous sommes restés longtemps en contact, puis le temps a fait son oeuvre, mais l’oubli n’est jamais venu. Comment oublier un tel homme, un homme comme on n’en fait plus ? Dites, comment ?

«La mort n’est rien, je suis seulement passé dans la pièce à côté.

Je suis moi. Tu es toi.

Ce que nous étions l’un pour l’autre, nous le sommes toujours.

Donne-moi le nom que tu m’as toujours donné.

Parle-moi comme tu l’as toujours fait. n’emploie pas de ton différent.

Ne prends pas un air solennel ou triste.

Continue à rire de ces petites choses qui nous amusaient tant.

Prie, souris, pense à moi, prie pour moi.

Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l’a toujours été, sans emphase d’aucune sorte ,

sans une trace d’ombre.

La vie signifie tout ce qu’elle a toujours signifié.

Elle est ce qu’elle a toujours été.

Le fil n’est pas coupé.

Pourquoi serais-je hors de ta pensée

parce que je suis hors de ta vue ?

Je t’attends, je ne suis pas loin,

Juste de l’autre côté du chemin.

Tu vois , tout est bien.»

Henry Scott Holland, chanoine anglais et écrivain (1847-1918).

Et Jean d’Ormesson : «Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis. Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants.»

M’hamed et Mariem, votre papa était fier de vous. Il m’en parlait tout le temps.

Vous êtes ses dignes héritiers !

Qu’il repose en paix !

NB. Le cortège funèbre quittera son domicile sis à la rue Sidi Ben Arous, impasse El Kassas (près de la place Romdhane Bey) aujourd’hui, mercredi 1er juin à 15h00. L’enterrement aura lieu au cimetière Sidi Abdelaziz à La Marsa après la prière d’El Asr.

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