La Tunisie a besoin d’un Plan B à l’accord avec le FMI

Au vu de la situation extrêmement critique de l’économie et des finances publiques en Tunisie, le dévoilement d’un plan B à l’accord avec le Fonds monétaire international (FMI), qui tarde à être conclu, se fait de plus en plus pressant. D’autant que cet accord est considéré comme une condition sine qua none par les autres éventuels bailleurs de fonds, y compris par l’Union européenne (UE).

Par Elyes Kasri *

Un ami m’a écrit : «Il semble que la cargaison de blé annoncée par l’ambassadeur américain comme cadeau pour l’Aïd Al-Fitr n’est pas arrivée selon la déclaration d’un responsable de l’Office des Céréales affirmant que toutes les précédentes cargaisons avaient été payées. Il semble que l’ambassade US s’en est excusée, laissant entendre toujours selon lui que l’ambassadeur est allé vite en besogne… et pourtant le ministère des Affaires étrangères tunisien s’est précipité à remercier et à vanter l’état des relations bilatérales ? Qu’en est-il ? Comment l’expliquer ?»

Ma réponse a été qu’«on ne peut s’émouvoir outre mesure de la mauvaise circulation de l’information à Tunis puisqu’elle semble être de mise à Washington. Nous nageons en plein brouillard».

Raidissement européen

Quoi qu’il en soit, cette apparente précipitation de l’ambassadeur américain ressemblerait à un lapsus psychanalytique (Sigmund Freud voit dans le lapsus la manifestation de l’inconscient subversif) avec une connotation diplomatique révélatrice de l’état d’esprit et de la ligne de conduite envers la Tunisie suivie aussi bien par l’administration Biden que le congrès américain avec l’assentiment des Européens et des autres membres du G20, en dépit de quelques fioritures de langage purement diplomatiques.

Du côté européen, l’espoir d’un fléchissement à la menace migratoire semble, au contraire, susciter un raidissement et même des réactions s’apparentant à la légitime défense.

Après la déclaration de Josep Borrell, Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, en mars dernier, que «l’effondrement de la Tunisie entraînerait la recrudescence des flux migratoires, ce qui aura, selon lui, un impact négatif sur la sécurité et la stabilité de la région Mena et des deux rives de la méditerranée», les ministres européens des Affaires étrangères auraient décidé de dépêcher en Tunisie, du 9 au 11 mai prochain, les ministres belge et portugais des Affaires étrangères, apparemment pour souligner qu’aucune aide européenne ne serait accordée à la Tunisie en l’absence d’un accord avec le FMI.

Au vu de la situation extrêmement critique de l’économie et des finances publiques en Tunisie, le dévoilement d’un plan B à l’accord avec le FMI, se fait de plus en plus pressant**. Un plan structuré et loin des slogans patriotiques aux relents révolutionnaires anti-impérialistes avec des résultats incontestablement désastreux depuis 2011.

* Ancien ambassadeur.

** Or, la ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, et son collègue de l’Economie et de la Planification, Samir Saïed, avaient déclaré, à plusieurs reprises, que le gouvernement tunisien n’avait pas de plan B à l’accord avec le FMI, alors que le budget de l’Etat pour l’exercice 2023 est construit sur l’hypothèse de l’obtention du prêt de l’institution financière internationale d’une valeur de 1,9 milliard de dollars sur quatre ans.   

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