En Tunisie, le coût de l’inaction climatique, estimé par la Banque Mondiale (BM) à 54 milliards de dollars à l’horizon 2050, démontre que les changements climatiques constituent une menace directe pour la stabilité économique, sociale et politique du pays. (Illustration : Ferid Belhaj, entouré de trois ministres femmes tunisiennes, Fatma Thabet, Feryel Ouerghi et Leila Chikhaoui).
C’est ce qu’a indiqué Ferid Belhaj, vice-président de la BM pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (Mena), dans une déclaration aux médias en marge d’une conférence, vendredi 23 février 2024, consacrée à la présentation du rapport «Climat et Développement» publié par la BM en novembre 2023.
Les financements requis par la Tunisie pour palier à ce phénomène devront être obtenus sous forme de dons vu que l’impact de la région Mena qui est en train de payer un coût important en matière d’émissions de gaz à effet de serre, est minime, a-t-il ajouté, en appelant à plus d’ouverture des pays du Nord qui se sont engagés à l’octroi de 100 milliards de dollars par an aux pays en développement, pour les aider à faire face aux conséquences du changement climatique.
Belhaj a, par ailleurs, rappelé qu’au cours des dernières années, la BM s’est engagée à assister les pays qui sont dans le besoin par rapport aux impacts de ce phénomène sur leur sécurité alimentaire et poursuivra ses actions.
Dans ce cadre, la Tunisie bénéficiera au cours des prochains jours d’un appui de la BM dans ce sens qui sera discuté au cours de la réunion du conseil d’administration devant se tenir le 14 mars 2024, a-t-il annoncé.
Renforcer la résilience dans les secteurs de l’eau et l’agriculture
Evoquant les principales dispositions du rapport, Belhaj rappelle qu’il a mis l’accent sur la nécessité de renforcer la résilience de certains secteurs critiques tels que l’eau et l’agriculture, tout en protégeant les communautés vulnérables.
L’impact de la sécheresse devient de plus en plus important et de plus en plus grave, a-t-il rappelé, précisant que cette question n’impacte non seulement la vie des personnes mais aussi la capacité des économies à générer la croissance et à créer de l’emploi, outre la capacité des gouvernements à élaborer des plans à moyen et long terme.
Pour Belhaj, ce phénomène naturel devra être appréhendé, en tentant de gérer et de réduire son impact à travers la mise en place de stratégies, de politiques et d’instruments adéquats pour identifier des solutions permettant de se retrouver dans une situation plus confortable.
En Tunisie, a-t-il ajouté, l’agriculture a été le premier secteur frappé par les changements climatiques, avec une baisse de plus de deux tiers de la récolte de blé et pareillement pour celle de l’orge. Mais au-delà, un ralentissement important de l’économie a été enregistré, a-t-il encore fait savoir, en mettant également l’accent sur l’importante augmentation de l’inflation, au cours des dernières années, notamment des coûts des matières consommables (nourriture).
La dépendance croissante vis-à-vis des importations de combustibles
Le rapport a fait également ressortir la dépendance croissante de la Tunisie vis-à-vis des importations de combustibles pour la production de l’énergie, une question qui constitue un défi central au niveau macroéconomique. Il a dans ce cadre cité à titre d’exemple le déficit énergétique qui a représenté, en 2023, plus de la moitié du déficit commercial et du déficit du compte courant.
Le responsable de la BM a, par ailleurs, fait remarquer que la question de l’augmentation du niveau de la mer et de l’érosion côtière soulevée par le rapport devient un problème vital pour l’économie tunisienne qui mise sur le tourisme côtier, ajoutant que le pays doit agir et adopter de nouvelles politiques pour réduire l’impact.
Le rapport, a-t-il rappelé, a plaidé en faveur d’un nouveau modèle économique qui met l’accent sur le rôle du secteur privé dans la création d’emploi. «Nous ne sommes pas des chantres de la privatisation des entreprises, mais nous appelons à une meilleure performance et alliance des secteurs public et privé dans l’intérêt mutuel», a-t-il appuyé, comme pour ménager les susceptibilités tunisiennes à ce sujet, souvent exprimées par le président de la république Kaïs Saïed, qui n’a jamais fait mystère de son opposition à la privatisation, partielle ou totale, des entreprises publiques, même celles qui sont très fortement déficitaire. Une conception économique qui cadre mal, faut-il le rappeler, avec les doctrines libérales des institutions de Bretton Woods.
Belhaj a rappelé que les rapports sur le climat publiés par la BM permettent d’identifier des idées de projets et de programmes favorisant la transition écologique et énergétique et servir de fils conducteurs par rapport aux défis climatiques au niveau de la région Mena.
De son côté, la ministre de la ministre de l’Economie et de la Planification, Feryel Ouerghi, a souligné qu’en plus d’être un outil de diagnostic qui met en exergue les défis induits par les changements climatiques, le rapport CCDR a permis de quantifier et de chiffrer les répercussions de ces défis. Le CCDR a mis à notre disposition un plan d’action dynamique pour assurer une transition économique résiliente, inclusive et verte, a-t-elle ajouté.
Conscient de la gravité de cette situation et de ses répercussions majeures sur la situation économique et le bien-être de la population, le gouvernement tunisien a soutenu les travaux de préparation du Rapport CCDR et a contribué activement à toutes les étapes de son élaboration, a-t-elle rappelé.
Enjeux climatiques, surendettement et déficits financiers
Pour Ouerghi, ces défis environnementaux croissants risquent de compromettre à moyen et à long terme les efforts de développement de la Tunisie et nécessitent d’être traités avec toute l’attention et l’anticipation requises, et ce, en mettant en place des politiques publiques à même d’apporter les réponses adéquates à ces défis.
La ministre a appelé dans ce cadre la BM et tous les partenaires techniques et financiers de la Tunisie, à apporter un appui à la mise en œuvre des diverses recommandations émises et continuer leur engagement pour relever les défis liés aux changements climatiques.
Il reste cependant à définir la forme de cet appui, technique et financier, et les moyens dont dispose la Tunisie pour faire face aux réformes radicales qu’exige la gestion du changement climatique, dont les impacts vont être catastrophiques sur le pays, qui plus est, dans une situation de quasi asphyxie financière et ne cesse de s’endetter pour financer ses dépenses publiques, hypothéquant ainsi son avenir et celui des générations à venir.
La langue de bois des responsables de la BM et du gouvernement tunisien évitent bien entendu ces questions qui fâchent.
I. B. (avec Tap).
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