La diaspora tunisienne compte deux millions d’âmes, d’après l’Office des Tunisiens à l’étranger (OTE). Si l’on ajoute à ce nombre plus d’un million de touristes locaux, nous aurions 3 millions de touristes potentiels ce qui représenterait 35% du nombre de touristes ayant visité notre pays en 2024. N’est-ce pas une aubaine pour le redressement de notre tourisme, sachant que ce nombre peut augmenter au fil des années? Mais qu’a-t-on fait pour attirer cette clientèle, en dehors des paroles qui n’endorment plus personne?
Habib Glenza
Les dépenses des touristes tunisiens résidant en Tunisie ou à l’étranger représente un revenu supplémentaire pour l’Etat tunisien sachant que ces derniers dépensent plus que les touristes étrangers qui restent enclavés dans les hôtels en raison de la formule d’hébergement en «all inclusive» encore pratiquée par nos hôteliers malgré la démonstration de sa nullité.
Il faut rappeler que le tourisme tunisien a démarré vers les années 60, grâce, surtout, à l’apport financier de l’Etat tunisien. La construction d’une infrastructure touristique d’envergure (hôtels, routes, autoroutes, aéroports, terrains de golf, ports de plaisance, musées, etc.) a coûté une fortune à l’Etat sous forme de dettes payées par l’ensemble des Tunisiens. Ces derniers ont tous participé à l’effort de construction de ce secteur qui était rentable et prometteur jusqu’en 2011, mais qui ne l’est plus aujourd’hui, en raison de sa mauvaise gouvernance par l’autorité de tutelle et les professionnels, lesquels, partisans des solutions de facilité, n’ont jamais réagi pour mettre fin au diktat des TO étrangers imposant cette formule du «all inclusive», mais pas seulement. Résultat: le sort de notre tourisme n’est pas actuellement entre nos mains.
Soyons reconnaissants envers nos compatriotes !
Pour les responsables du secteur touristique, les étrangers d’abord, les Tunisiens on verra après! Il est inadmissible de traiter de la sorte les nationaux qui peuvent constituer une source indéniable de revenus supplémentaires pour les caisses de l’Etat, notamment les TRE, premiers pourvoyeurs de devises en 2024.
Les capitaux que ces derniers ont transférés vers leur pays d’origine en 2024 (8 130 millions de dinars) dépassent en effet les recettes touristiques (7 500 millions de dinars), selon les indications monétaires et financières publiées par la Banque centrale de Tunisie (BCT). Environ 2 millions des TRE ont transféré plus d’argent que 10 millions de touristes, nourris et blanchis pour des miettes!
Ces transferts de fonds des TRE ont permis, en 2024, de consolider les réserves en devises de notre pays qui ont dépassé ces derniers jours, et toujours selon la BCT, 23 milliards de dinars, soit l’équivalent de 106 jours d’importation, et de couvrir 65% de la dette extérieure. Les transferts de fonds des TRE sont en passe de devenir l’un des principaux moteurs de l’économie tunisienne.
La question qui se pose à nos responsables et acteurs du tourisme est la suivante: pourquoi ne pas accorder aux Tunisiens les mêmes faveurs accordées aux touristes étrangers ? et qu’attendent ces responsables et acteurs pour mettre en place des incitations en faveur de 18% de la population tunisienne, des citoyens qui cravachent dur pour économiser de l’argent et l’envoyer aux siens dans le pays ? L’impact des ces incitations sera certainement bénéfique, dans la mesure où les TRE viendront en masse visiter leur pays et y dépenseront beaucoup plus d’argent que ne le feront les touristes étrangers.
D’ailleurs, beaucoup de ces TRE, échaudés par les coûts élevés de transport aérien et de séjours dans les hôtels en Tunisie, préfèrent désormais aller passer leurs vacances en Espagne, en Grèce, en Turquie et même en Croatie. Ceux qui résident au Canada et aux Etats-Unis préfèrent aller au Mexique ou à Cuba, où les plages et l’ambiance générale leur rappellent ceux de leur pays.
L’exemple marocain
Le tourisme tunisien doit profiter également aux Tunisiens qui vivent en Tunisie qui ont participé à la construction du secteur touristique. Eux aussi ont droit aux mêmes faveurs accordées aux touristes étrangers, à l’instar de ce qui se fait au Maroc où la feuille de route 2023-2026 du ministère du tourisme s’articule autour de trois axes parmi lesquels le développement du tourisme intérieur en bord de mer à Saidia ou dans la région de Tétouan-Al Hoceima, en cohérence avec la demande, ainsi que le développement du tourisme ‘Nature & découvertes’, adapté aux besoins et au budget du touriste local.
Grâce à des performances exceptionnelles tout au long de l’année écoulée, soutenues par la mise en œuvre effective de ladite Feuille de route et l’engagement des acteurs du secteur, le tourisme marocain continue de se démarquer sur la scène internationale.
Chiffres à l’appui, le Maroc a atteint un record de 15,9 millions de touristes et 96,9 milliards de dirhams de recettes, soit l’équivalent de 32 milliards de dinars tunisiens (plus de 3 fois les recettes tunisiennes).
Cette progression est portée par une hausse de 23% des arrivées de touristes étrangers, ainsi qu’une augmentation de 17% de celles des Marocains résidant à l’étranger (MRE), qui contribuent à raison de 1,1 million d’arrivées supplémentaires. Le tourisme interne n’est pas en reste, avec 30 millions de nuitées enregistrées, tous types d’hébergements confondus, y compris les établissements hôteliers classés. Ce résultat témoigne de la forte contribution des touristes nationaux, qui demeurent les principaux clients des destinations locales.
En 2024, l’Office national marocain du tourisme (ONMT) a intensifié ses efforts pour améliorer la connectivité aérienne du pays, avec des partenariats stratégiques, notamment avec Ryanair, pour encourager les MRE à visiter leur pays à des prix abordables.
Concernant le tourisme interne, l’ONMT a lancé la deuxième phase de la campagne “Ntla9awfbladna” visant à encourager les déplacements à l’intérieur du pays. Cette campagne, axée sur la mobilité, vise à faciliter l’accès aux différentes destinations touristiques locales à travers les transports en commun (autocars, trains et avions), notamment pendant les périodes de vacances scolaires.
Les gagne-petit
Messieurs les responsables, vous êtes payés pour œuvrer à redresser la situation stagnante de notre tourisme. Mettez-vous alors au travail. Rappelez-vous qu’il fut un temps où le tourisme tunisien était plus performant que le tourisme marocain. Depuis 2011, nous reculons. Et ce recul est attesté par les chiffres que vous mêmes vous avancez pour, paradoxalement, vous en féliciter. ce n’est pas avec des gagne-petit que l’on peut réaliser de grandes choses…
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