La norme internationale est que les cabines d’essayage dans les magasins sont tenues par le même sexe qui les fréquente; ce n’est pas le cas en Tunisie. Quelle serait la raison d’une telle anomalie?
Par Farhat Othman *
Dans le monde entier, la règle est que les cabines d’essayage femmes sont tenues par des agents féminins, comme les cabines masculines le sont par des hommes. Il ne s’agit pas de discrimination, mais de logique et de règle de bonne conduite éthique.
Or, en Tunisie, il semble que ne ce ne soit ni partout ni la règle, de plus en plus d’enseignes, y compris des plus prestigieuses, ayant pignon sur rue, ne respectant pas une telle règle de bonne conduite internationalement reconnue et appliquée.
Quelle en serait donc la raison? Serait-ce une manifestation de ce capitalisme dévergondé qui, selon certains observateurs, se croit tout permis dans les pays du Sud, osant violer les règles basiques en cours au Nord?
Je ne fréquente pas de tels magasins ni ceux dont il est question plus particulièrement ici; mais j’ai eu pas mal de témoignages de clientes dignes de foi que je livre en apostrophant lesdits magasins que je ne nommerais pas : pourquoi donc ne pas se conformer à la déontologie du métier en vigueur dans leurs pays d’origine?
Une fausse question de concept
La Tunisie ne serait-elle bonne que pour les affaires à tout prix avec le maximum de compression budgétaire, notamment sur ce qui est essentiel dans le concept de base régissant les cabines d’essayage de par le monde?
Les marques dont on m’a rapporté la pratique sont toutes nouvelles en Tunisie et appartiennent à des chaînes internationalement renommées. L’une ayant fait la réputation de la qualité textile espagnole et l’autre, celle de l’Hexagone.
Récemment installées en Tunisie, elles exciperaient un concept – celui donc de confier les cabines féminines à la gent masculine – pour ne pas avoir à déférer aux plaintes des clientes aussi nombreuses que sans effet. Cela confirmerait l’arrogance ci-dessus évoquée d’un certain capital qui ne doit pas être tolérée dans le cadre du libéralisme éthique et rationalisé que nous tenons à avoir en Tunisie.
À la vérité, au nom d’un concept sans queue ni tête, on chercherait à comprimer au maximum les dépenses en n’ayant pas à recruter des femmes ou en affecter à de telles cabines, ce qui occasionnerait des frais que de tels magasins, qui ne font pas moins de juteuses affaires, ne voudraient pas se permettre. Pourtant, il s’agit d’éthique et de déontologie.
Cabines pour voyeurisme et drague?
D’après certaines clientes qui se sont confiées à moi, il se pourrait qu’il y ait aussi une autre cause, flirtant avec l’interdit, ce qui est toujours tentateur pour certaines personnes cherchant les émotions fortes en un pays encore soumis à un certain moralisme déplacé.
Ainsi, de telles cabines deviendraient des espaces d’une liberté dévergondée, un voyeurisme et/ou drague clandestins, où certaines femmes et jeunes femmes viendraient s’exposer au regard coquin, où des hommes feraient impunément les voyeurs. N’oublions pas qu’il s’agit de magasins de luxe où le risque est bien moindre qu’ailleurs du fait du type huppé de la clientèle.
Or, on le sait, les histoires de voyeurisme ne manquent pas dans les cabines d’essayage aux magasins du monde entier, y compris déjà et surtout celles qui respectent la règle saine de ne confier la supervision d’un type de cabine d’essayage qu’au genre sexuel de qui la fréquente : cabines pour femmes réservées à une supervision féminine et cabines pour hommes à un contrôle masculin.
Nous espérons de la part de ces magasins de Tunisie qui se reconnaîtront bien plus que des précisions utiles : qu’ils se conforment à la déontologie de leur métier. Et il est du devoir des autorités tunisiennes du secteur d’y veiller!
Il s’agit bien moins ici de morale ou de moralisme que de saine gestion des affaires commerciales afin de ne pas mettre le profit au-dessus de tout, perdant le sens logique des choses. Ce qui serait de nature à précipiter encore plus notre pays dans la spirale sans fin d’un capitalisme sauvage n’ayant déjà plus, normalement, droit de cité en Occident ou alors de façon illégale. Or, la Tunisie se veut un État de droit!
* Ancien diplomate.
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