Photos Fawz Ben Ali.
Les nouvelles compositions de Brahem saisissent l’oreille de l’auditeur pour exister comme des échos lointain d’une Andalousie ré-enchantée.
Par Hamma Hanachi
Des albums au charme discret, des tournées sur les scènes mondiales et un public acquis, Anouar Brahem réapparaît en Tunisie après une absence de trois ans, sa dernière prestation date de 2014, quand il a ouvert la 50e session du Festival de Carthage.
La clôture du Festival de Hammamet, le 26 août 2017, est une date de plus à inscrire dans la carrière du oudiste.
Aucun parasite (portables et commentaires bruyants), un public rêvé, plongé dans un silence léger, pas de vent (ennemi qui donne des cauchemars au musicien- selon une de ses confidences). Atmosphère favorable et lieu inspirant.
Dialogue des civilisations et volonté du partage
Avant la parution de l’album ‘‘Blue Maqams’’ prévue à l’automne prochain et en avant-première mondiale, Anouar Brahem nous a réservé des surprises touchantes et forcément inattendues.
L’une d’elles, un quartet de haute facture qui se produit pour la première fois sur une scène tunisienne : les Anglais Dave Holland à la contrebasse, Django Bates au piano et l’Américain Nasheet Waits à la batterie, de grosses pointures du jazz.
Anouar, de noir habillé, trône au milieu. Départ sans conciliabules, le oud et le piano entament un dialogue comme pour marquer la rencontre entre l’Est et l’Ouest, un dialogue enterré dans la vie et la politique par les «chocs des civilisations» successifs. Il y a des relents de l’album ‘‘West meets east’’ (1967), dialogue entre Yehudi Menuhin au violon et Ravi Shankar au sitar. Le dialogue des civilisations survit heureusement dans l’art et la volonté du partage.
Donnant du dos au public, le frêle pianiste, bonnet sur la tête, recevant les ondes de derrière, habité par la composition, apparemment euphorisé par l’ambiance, se tortille devant son pupitre. Un soupçon «gouldien» dans les attitudes. Anouar reprend le cours du morceau. Applaudissements soutenus !
Second morceau, le oud reprend la main. La contrebasse entre en scène, Holland est à son affaire, droit, sans effusion, ses sons minimalistes (sages ?) dégagent une douce mélancolie. La batterie y va sans brides (trop en relief à notre sens). Le cours des morceaux continue, mélodies claires, chaleur des échanges d’instruments, où l’on remarquera sans effort que dans ses nouvelles compositions au tissu sonore tout en profondeur, Anouar cultive encore cet art émouvant de marier la musique arabe rigoureuse sans fard et le jazz libre, palpitant. Mais pas que ça!
Echos lointain d’une Andalousie ré-enchantée
Dans ce concert à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du théâtre de plein air de Hammamet, il y a comme une forme évidente, plus visible de condensation dans la composition. Il y a moins d’ornements, ses phrases moins chargées ont gagné dans la création de situations. Des compositions qui saisissent l’oreille de l’auditeur pour exister, échos lointain d’une Andalousie ré-enchantée. Il a élagué, dégraissé, nettoyé pour garder l’essentiel et dégagé la note recherchée, «la note juste, cela s’obtient par une condensation excessive de l’idée», disait le grand Flaubert.
C’est la rançon du travail et de la prise de risque des novateurs exigeants. Est-ce la noce du maqam ordonné et l’introuvable note bleue? On salue le courage.
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