Au lieu de culpabiliser et de menacer de sanctions financières les compétences expatriées, la Tunisie serait mieux inspirée de leur offrir des conditions de travail honorables psychologiquement et matériellement.
Elyes Kasri *
S’il est vrai que l’accélération de la vague migratoire des compétences tunisiennes prend l’apparence d’un pillage post colonial qui risque de porter un sérieux préjudice au développement et à toute relance économique, l’idée de taxer à posteriori ces compétences, outre son attrait populiste, comporte des aspects allant du saugrenu à l’imparaticable.
Outre l’impact psychologique très probablement négatif chez ces compétences expatriées et l’incitation supplémentaire à l’obtention de la nationalité du pays hôte et la renonciation à la nationalité tunisienne, il serait désolant de devoir procéder à l’arrestation de ces compétences à leur arrivée en Tunisie pour défaut de paiement de leur supposée dette envers leur pays d’origine.
Cette mesure saugrenue, si elle devait être adoptée, ne ferait que priver définitivement la Tunisie de ces compétences expatriées après les avoir forcées à l’exil à force de tracasseries bureaucratiques et de politiques qui ont nivelé le marché de l’emploi par le bas.
De nombreux pays qui ont souffert de l’exode de leurs talents et compétences ont adopté des formules plus intelligentes et attractives notamment l’Inde qui a fait du retour de ses compétences ou «Brain Gain» un axe de sa politique nationale.
Au lieu de culpabiliser et de menacer de sanctions financières les compétences expatriées, la Tunisie serait mieux inspirée de leur offrir des conditions de travail honorables psychologiquement et matériellement.
Si le secteur public a atteint un niveau de saturation et n’est pas en mesure de recruter ces compétences dont il a pourtant grandement besoin notamment dans les domaines de la médecine et de l’ingénierie, la Tunisie pourrait en revanche créer des zones franches médicales et des parcs technologiques off shore pour non seulement créer des emplois rémunérateurs à ses compétences mais également pour lancer des locomotives d’innovation, de gestion et de positionnement de notre pays comme un site d’investissement moderne, loin des tracasseries et rigidités bureaucratiques et syndicales.
La Tunisie a de nombreux atouts pour devenir le centre de soins médicaux et d’innovation technologique de l’Europe à condition d’une vision à long terme et d’une bonne dose d’audace et d’innovation loin de tout populisme politique et fiscal.
Ancien ambassadeur.
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