Youssef et ses… «frères» nidaïstes : qui perd gagne !
La Tunisie sera la grande perdante d’un éventuel départ de Chahed. Non pas à cause de l’homme, car nul n’est irremplaçable, mais parce que rares sont les investisseurs qui misent sur un pays où l’on change trop souvent de gouvernement.
Par Jamel Dridi
Au-delà des attaques médiatiques contre le chef du gouvernement Youssef Chahed, qui consistent à le rendre le principal sinon l’unique responsable de l’aggravation de la crise que traverse la Tunisie depuis 2011, alors que l’on sait que les vrais responsables sont ceux qui demandent aujourd’hui son départ, l’instabilité politique et gouvernementale que ce départ annoncé risque d’avoir des conséquences néfastes incalculables.
Youssef et ses… «frères» nidaïstes
L’histoire biblique de Joseph est connue. En présence, d’un patriarche indécis, le jeune garçon, encore innocent, trahi et jeté au fond d’un puits, par ses frères jaloux et belliqueux, terminera, à la suite d’une succession d’épreuves, en position de force.
Et en réalité, quelle que soit l’issue de cette tentative d’«infanticide politique», Nidaa voulant écarter l’un des siens, Chahed sortira sur le long terme gagnant de cette épreuve ( « Chahed pourrait faire en Tunisie ce que Macron a fait en France »).
S’il reste, il sera sans doute affaibli, en tous cas au début, et ce surtout s’il continue à ne pas communiquer correctement sur un bilan plutôt positif (retour de la sécurité, reprise du tourisme, relance de la croissance, encore timide certes mais réelle, etc.), même si certains points noirs, comme la cherté de la vie, perdurent.
S’il part et s’il sait adopter la bonne tactique, il aura désormais les mains libres pour briguer sérieusement, en tout plus sérieusement que tous les autres acteurs de la scène politique tunisienne, la magistrature suprême, avec en prime l’avantage de connaître clairement les vrais problèmes, les obstacles à surmonter et les vrais soutiens sur lesquels il pourra compter.
En revanche, l’immaturité politique des dirigeants de Nidaa Tounes et leur irresponsabilité sont surprenantes. D’un coup, et d’un seul, ils zigouillent leur parti en l’affaiblissant et en le divisant comme jamais auparavant, offrant sur un plateau à Ennahdha un rôle d’arbitre qui, non seulement lui donne l’aura de sagesse et de stabilité qui le distingue désormais de toutes les autres formations politiques en place, mais aussi lui confère une position de force pour toutes les négociations à venir.
C’est la Tunisie qu’on malmène et humilie
Mais la grande perdante, en cas de départ de Chahed, sera, on l’imagine, la Tunisie. Non pas à cause de l’homme, car nul n’est irremplaçable, mais en raison de l’arrivée d’une nouvelle équipe qui aura besoin d’un temps d’adaptation, autant de temps perdu pour la Tunisie, qui connaîtra de nouveau le flou politique et l’immobilisme économique, qui ont accompagné jusque-là sa transition démocratique et l’ont mise trop de fois, hélas, en danger.
Nous l’avions longuement expliqué dans un précédent article publié sur Kapitalis, présentant l’étude Alesina, dont la principale conclusion est la suivante : plus il y a d’instabilité gouvernementale, plus les prédateurs économiques internationaux fondent sur un pays et moins les investisseurs s’y intéressent, car rares sont ceux qui misent sur un pays où l’on change trop souvent d’équipe gouvernemental.
Au final, changer encore de gouvernement, aujourd hui, serait synonyme de faute politique et économique majeure. C’est ainsi qu’elle sera perçue, en tout cas, sur les plans interne et externe.
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