Finalement l’opposition de Khamassi au clan de la famille Caïd Essebsi n’a duré que quelques jours. C’était trop beau pour être vrai. L’amoureux du pouvoir, celui qui a toujours évolué dans le sillage du pouvoir, de Ben Ali à Caïd Essebsi, n’a jamais pu s’émanciper de la tutelle du détenteur du pouvoir. Qui a orchestré son retour?
Par Imed Bahri
Au cours du mois de juillet – exactement le 10 juillet – et à la surprise générale, Raouf Khamassi s’en prend ouvertement à Hafedh Caïd Essebsi, le lâche et proclame son soutien à Youssef Chahed. Quelle mouche a piqué Khamassi? Lui qui s’est toujours aligné aveuglement sur les positions du pouvoir en place en Tunisie et qui ne peut pas supporter ne pas être parmi la cour du président, et ce depuis Zine El Abidine Ben Ali, avait surpris ceux qui le connaissent en lâchant Hafedh. Khamassi est-il devenu courageux? Comment ce courage s’est-il abattu sur Raouf? Comment? C’était du jamais vu. Mais très vite, les naïfs et les candides qui y ont cru ont du déchanter.
Les métamorphoses rapides de Raouf
Le retournement de veste de M. Khamassi intervenu le 10 juillet en faveur de Youssef Chahed fut stoppé net par l’intervention télévisée de Béji Caïd Essebsi sur Nessma, la chaîne du très vertueux Nabil Karoui, un homme ayant un sens très développé et très aigu de la morale. C’est pour cela que notre président a choisi de s’exprimer sur sa chaîne. Au cours de cette interview très neutre, très professionnelle et très objective de Nessma, M. Caïd Essebsi a publiquement désavoué le chef du gouvernement Youssef Chahed et a publiquement soutenu son fils et le clan de sa famille ce qui a procuré un grand soulagement au très vertueux M. Karoui dont la chaîne s’acharne depuis des mois sur le méchant jeune chef du gouvernement.
Ne supportant pas être loin du pouvoir et du président, M. Khamassi a senti qu’il allait tomber en disgrâce et s’est jeté sur son clavier pour écrire un beau statut Facebook, le 18 juillet, où il annonça sa flamme au président de la République et où il déclara que sa relation avec ce dernier est une ligne rouge, le mot de Khamassi. Nous sommes revenus sur cet épisode dans notre article «Raouf Khamassi et Ons Hattab ne savent plus qui soutenir» en date du 18 juillet dernier.
Raouf Khamassi est vite revenu dans le giron des Caïd Essebsi et de Hafedh avec qui entretient une relation quasi-filiale, dont il a toujours soutenu et justifié le hold up sur Nidaa Tounes depuis novembre 2015. On l’a vu au Bardo le samedi 28 janvier ne quittant pas Hafedh d’une semelle lors de la réunion précédant la séance plénière pour accorder la confiance au nouveau ministre de l’Intérieur Hichem Fourati. En polo, dans le couloir discutant avec Hafedh et dans la salle lors de la réunion attablé à ses côtés, on ne dirait pas l’homme qui a rédigé sur son compte Facebook le texte à charge contre Hafedh le 10 juillet dernier.
Les deux hommes d’Etat, M. Karoui et M. Khamassi discutent des grandes idées.
Le plus germanophile et le plus vertueux
Certainement, Raouf a changé d’avis après avoir entendu le président soutenant aveuglement son fils lors de l’interview de Nessma et surtout craignant qu’une position anti-Hafedh ne l’éjecte définitivement du cercle de Béji Caïd Essebsi, Raouf se rétracta.
Mais comment le retour dans le giron des Caïd Essebsi s’est-il produit? Comment? Certainement via la médiation du très vertueux Nabil Karoui, pièce maîtresse du clan de la famille Caïd Essebsi et son relais médiatique car la relation entre M. Karoui et M. Khamassi est bien profonde.
Lorsque M. Karoui a «démissionné» le 10 janvier 2016 de la direction de Nessma mais tout en continuant à la diriger et à la téléguider, il s’est lancé dans une carrière politique à Nidaa Tounes et tout était planifié avec M. Khamassi. Ils étaient très complices et apparaissaient très souvent ensemble à cette époque que ce soit à Tunis ou à Monastir par exemple. M. Karoui et M. Khamassi au cours de leur lune de miel ont même créé au sein du parti leur propre mouvement, le Forum de la famille destourienne (FFD), comptant notamment parmi ses membres Khaled Chaouket et un des hommes de Nabil Karoui, Oussama Khlifi.
Oussama Khlifi est à Nabil Karoui ce que Noureddine Ben Ticha est à Kamel Eltaïef. D’ailleurs il ressemble beaucoup à Ben Ticha même dans la manière de porter les chemises, chemises blanches avec les deux premiers boutons déboutonnés à la BHL.
Aujourd’hui Oussama Khlifi est conseiller auprès de la direction de Nessma. N’oublions pas qu’à l’époque, le très vertueux Nabil Karoui œuvrait et manœuvrait afin de faire tomber le gouvernement Habib Essid pour lui prendre sa place. M. Karoui ne se cachait pas et faisait savoir dans les médias qu’il voulait devenir le prochain chef de gouvernement. Il ne faisait pas mystère de vouloir avoir un destin berlusconien. Il est allé jusqu’à proposer de faire déménager le Palais du Gouvernement de la Kasbah à l’immeuble du RCD de l’avenue Mohammed V. L’attachement du très vertueux M. Karoui à l’avenue Mohammed V est un attachement viscéral. Le siège de Karoui&Karoui y est, le bureau de M. Karoui y est, cette avenue lui a porté bonheur dans les affaires, il voulait que ça soit de même pour la politique. La baraka de l’avenue Mohammed V n’a malheureusement pas été au rendez-vous avec M. Karoui en politique.
En tout cas, la relation entre M. Khamassi, le plus germanophile des Rcédistes et M. Karoui, l’homme le plus vertueux de Tunisie, ne date pas d’hier, elles est ancrée et M. Karoui dont la générosité est une marque de fabrique et, en sa qualité de gentil bienfaiteur de l’Humanité, il n’a forcement pas décliné la demande de Raouf Khamassi de le faire revenir dans le giron de la famille Caïd Essebsi car M. Khammassi risquait de vivre très mal son éloignement du président et de sa famille. Ce n’est pas donc un hasard si M. Khamassi a refait son allégeance en direct sur Nessma, la chaîne de M. Karoui où il a sommé, mardi 7 août 2018, le chef du gouvernement à respecter l’ultimatum de Hafedh Caïd Essebsi de soumettre son gouvernement à un nouveau vote de confiance à l’ARP. Mardi est l’avant dernier jour de l’ultimatum de dix jours qui a commencé le samedi 28 juillet et pris fin hier, mercredi 8 août. Il semble donc que M. Chahed a envoyé balader le clan Caïd Essebsi ainsi que M. Khamassi.
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