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Le poème du dimanche : ‘‘Les Poètes’’ de Louis Aragon

‘‘L’inspiration du poète’’ – Poussin 1630 (Musée du Louvre)/Louis Aragon.

Nous inaugurons ce dimanche cette nouvelle rubrique ‘‘Le poème du dimanche’’. Toute la semaine est dominée par la prose, c’est pourquoi nous avons décidé de laisser la poésie s’exprimer chaque dimanche avec un grand poète du monde. Nous l’inaugurons avec Louis Aragon.

Dans ce poème intitulé ‘‘Les Poètes’’, Aragon rend hommage à ses aînés britanniques. Il est tiré de son recueil ‘‘Poésies diverses’’.

SHAKESPEARE.

À lui la baguette magique
Le pouvoir de tout enchaîner;
Il riva la Nature aux plis de sa tunique,
Et la Création a su le couronner.

MILTON.

Son esprit était un pactole
Dont les flots roulaient de l’or pur,
Un temple à la vertu dont la vaste coupole
Se perdait dans les cieux au milieu de l’azur.

THOMPSON.

Après le jour la nuit obscure,
Après les saisons les saisons,
Ses chants qui sont gravés au sein de la nature
Iront de l’avenir dorer les horizons.

GRAY.

D’un vol grandiose il s’élève,
La foudre il la brave de l’œil,
Le nuage orageux il le passe, puis s’enlève
Lumineuse trainée au sein de son orgueil.

BURNS.

De la lyre de sa patrie
Il fit vibrer les plus doux sons,
Et son âme de feu, céleste rêverie
Se fondit dans des flots d’admirables chansons.

SOUTHEY.

Où règne la nécromancie
Dans les pays orientaux,
Il aimait promener sa riche fantaisie,
Son esprit à cheval sur les vieux fabliaux.

COLERIDGE.

Par le charme de sa magie
Au clair de la lune le soir
Il évoquait le preux, et du preux la vigie,
La superstition, hôte du vieux manoir.

WORDSWORTH.

Au livre de philosophie
Il suspendit sa harpe un jour,
Là, placé près des lacs, il chante, il magnifie
Dans ses paisibles vers la nature et l’amour.

CAMPBELL.

Enfant gâté de la nature
L’art polit son vers enchanteur,
Il sut pincer sa lyre et gracieuse et pure,
Pour amuser l’esprit, et réchauffer le cœur.

SCOTT.

Il chante, et voyez ! là s’élance
Le Roman que l’on croyait mort,
Et la Chevalerie et la Dague et la Lance,
Sortent de l’Arsenal poussés par son ressort !

WILSON.

Son chant comme une hymne sacrée
S’infiltre de l’oreille au cœur ;
On croirait qu’il vous vient de la voûte éthérée
La voix d’un chérubin, d’un saint enfant de chœur.

HEMANS.

Elle ouvre la source des larmes
Et les fait doucement couler,
La pitié dans ses vers elle a les plus doux charmes
Et le lecteur ému s’y laisse affrioler.

SHELLEY.

Un rocher nu, bien solitaire
Au loin par de là l’océan,
Crevassé par le choc des volcans, du tonnerre,
Voilà quel fut Shelley, l’audacieux Titan !

HOGG.

Vêtu d’un rayon de lumière
Qu’il sut voler à l’arc-en-ciel,
Il voit fée et lutin danser dans la clairière,
Et faire le sabbat loin de tout œil mortel.

BYRON.

La tête ceinte de nuages,
Ses pieds étaient jonchés de fleurs,
L’ivresse et la gaité, le calme et les orages
Trouvent en ses beaux vers un écho dans les cœurs.

MOORE.

Couronné de vertes louanges
Et pour chaque œuvre tour à tour,
Moore dans les bosquets se plait avec les anges
À chanter les plaisirs de son Dieu… de l’Amour !

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