Le feuilleton des démissions de Nidaa Tounes se poursuit et n’amuse plus grand monde, puisque la raison invoquée par les démissionnaires est toujours la même : la gestion calamiteuse du parti par Hafedh Caïd Essebsi, dont le seul argument est la baraka présumée de son père.
Par Imed Bahri
Hier, samedi 8 septembre 2018, pas moins de 8 députés ont annoncé leur démission qui sera présentée officiellement, mercredi prochain, au bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Ces députés sont Zohra Driss, Mohamed Rachdi, Moncef Sellami, Ahmed Saidi, Issam Mattoussi, Lamia Dridi, Jalel Ghedira et Maroua Bouazzi.
La liste des démissionnaires va s’allonger encore davantage, dit-on, en raison de la fuite en avant du directeur exécutif autoproclamé qui, au lieu d’essayer de comprendre les raisons de cette véritable saignée et d’essayer de l’arrêter, poursuit sa fuite en avant dans sa pathétique guéguerre contre Youssef Chahed, le chef du gouvernement d’union nationale, lui-même dirigeant de Nidaa Tounes et qui a bénéficié à deux reprises du vote de confiance de l’Assemblée, en 2016 et 2017.
D’une fissure l’autre ou la parade des dissidents
Les démissionnaires sont unanimes : c’est le style de gouvernance de M. Caïd Essebsi qui les a contraints à quitter le parti dont ils étaient, pour beaucoup d’entre eux, des fondateurs et qui ont contribué à son succès aux élections législatives et présidentielles de 2014.
Autant dire qu’ils quittent tous «leur» parti la mort dans l’âme, car ils ne peuvent plus accepter les décisions à l’emporte-pièce de M. Caïd Essebsi, souvent prises sur des coups de tête, sans consulter ni même informer les instances politiques du parti, se contentant d’écouter une poignée d’opportunistes, pour la plupart d’anciens membres du RCD, l’ancien parti au pouvoir sous la dictature de Ben Ali, tels les inénarrables Raouf Khammassi et Borhen Bsaies, de véritables girouettes politiques : plus mauvais conseillers qu’eux tu meurs !
Les nouveaux démissionnaires vont grossir les rangs du bloc parlementaire de la Coalition nationale dont la création a été annoncée cette semaine et qui regroupe aujourd’hui plus de 40 députés, désormais presque autant que Nidaa, qu’il dépassera bientôt à la faveur des nouvelles démissions annoncées.
Au lieu d’essayer de sauver son parti en évitant de nouvelles fissures, en écoutant les doléances des démissionnaires et en réparant les griefs retenues à juste titre contre sa calamiteuse gestion, Hafedh Caïd Essebsi, poursuit son œuvre de destruction, comme un enfant gâté qui détruit les jouets que lui achète son père.
Ainsi, après avoir détruit le parti créé par son père, le président de la république Béji Caïd Essebsi, l’homme le plus nuisible aujourd’hui à la Tunisie est en train de carrément détruire le pays, en cherchant à faire limoger le chef du gouvernement, au moment même où la stabilité revient et où la croissance économique reprend, et qui plus est, à quelque quatorze mois des prochaines élections législatives et présidentielles prévues fin 2019.
Un bateau qui tangue au milieu de la tempête
Souvenons-nous, M. Caïd Essebsi a manœuvré pour faire limoger le prédécesseur de M. Chahed, Habib Essid, en 2016, et il croit pouvoir faire aujourd’hui la même chose avec l’actuel locataire du Palais de la Kasbah. Aux deux hommes, il fait le même reproche : ils n’acceptent pas ses dictats et refusent de nommer les hommes (ou les femmes) qui veut leur imposer.
Les dirigeants de Nidaa, ou ceux qui en restent, n’en peuvent plus d’avaler les couleuvres et de s’aligner derrière un fou à lier dont l’incompétence crasse et l’inculture politique n’ont d’égales que le narcissisme et l’arrogance, et qui croit, en son for intérieur, qu’il peut hériter le pouvoir détenu aujourd’hui par son père… pour quelques mois encore. Il n’est même pas foutu de se demander si les Tunisiens, qui se sont débarrassés de deux pouvoirs claniques, ceux de Bourguiba et Ben Ali, et auxquels il cherche à imposer sa volonté par la magouille, accepteraient encore aujourd’hui qu’un pouvoir soit légué par… héritage.
Le parti de M. Caïd Essebsi, décrédibilisé, vidé des hommes et des femmes qui comptent, ressemble désormais à une coquille vide ou plutôt à un bateau qui prend de l’eau de partout et qui tangue dangereusement au milieu de la tempête, conduit par un timonier ivre de puissance mais incapable de redresser la barre.
Parions que ceux qui sont encore à bord ne tarderont pas à chercher des bouées de sauvetage…
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