Sébastien Lecornu n’aura tenu que quelques jours à Matignon. Ce lundi 6 octobre 2025, le Premier ministre français a présenté sa démission au président Emmanuel Macron, qui l’a aussitôt acceptée. Une démission aussi rapide qu’inédite, motivée, selon ses propres mots, par «des conditions non réunies pour gouverner».
Djamal Guettala
Derrière la formule prudente se cache un constat implacable : la France traverse une impasse politique majeure, où l’exercice du pouvoir devient impossible sans majorité, sans confiance et sans vision partagée.
La composition du gouvernement Lecornu, annoncée la veille, n’aura convaincu personne. Majoritairement formée d’anciens ministres macronistes et de quelques figures issues de la droite modérée, elle a été immédiatement perçue comme une simple reconduction du système existant. À peine nommé à l’Intérieur, Bruno Retailleau a dénoncé sur le réseau X un exécutif «sans la rupture promise» et a convoqué un comité d’urgence des Républicains.
L’opposition, quant à elle, n’a pas laissé le temps au gouvernement de respirer. Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) a exigé l’examen «immédiat» d’une motion de destitution d’Emmanuel Macron, tandis que Jordan Bardella (Rassemblement national) appelait à la dissolution de l’Assemblée nationale. En quelques heures, le nouveau Premier ministre s’est retrouvé encerclé, sans appui ni marge de manœuvre.
L’épuisement du macronisme
Cette démission ne relève pas du hasard. Elle s’inscrit dans la continuité d’un second quinquennat marqué par la perte de repères et d’autorité. Depuis les législatives de 2022, Emmanuel Macron gouverne sans majorité absolue, obligé de chercher des alliances fragiles pour faire passer chaque texte. Lecornu, loyal et consensuel, devait incarner un compromis entre la droite républicaine et le centre. Mais son gouvernement est mort-né, victime d’un rejet politique global et d’une défiance institutionnelle profonde.
L’usure du pouvoir présidentiel, l’absence de projet lisible et la saturation du débat public ont créé un climat où gouverner devient un exercice périlleux, sinon vain. La démission de Lecornu n’est donc pas un simple épisode : elle symbolise la fin d’un cycle.
Une Ve République en crise
Le système semi-présidentiel français, longtemps vanté pour sa stabilité, montre aujourd’hui ses limites. L’équilibre entre l’exécutif et le législatif s’est rompu, transformant chaque Premier ministre en fusible d’une présidence affaiblie. Lecornu, en quittant Matignon après quelques jours, ne fait qu’illustrer cette dérive institutionnelle : un pouvoir exécutif centralisé mais sans assise parlementaire, et un Parlement fragmenté au point de rendre toute gouvernance durable impossible.
L’idée même de majorité politique s’effrite. Et avec elle, la promesse gaullienne d’un État fort.
Et maintenant ?
Emmanuel Macron se retrouve face à un choix impossible : tenter une nouvelle nomination, au risque d’un troisième échec (après Michel Barnier et François Bayrou), ou dissoudre l’Assemblée nationale, avec la menace d’une victoire du Rassemblement national. Dans tous les cas, le président paraît piégé par le système qu’il incarne : un pouvoir sans souffle, qui ne convainc plus ni ses alliés ni ses adversaires.
En quelques jours, la démission de Sébastien Lecornu est devenue plus qu’un fait politique : le miroir d’une France en panne de direction, où le mot «gouverner» ne renvoie plus à l’action, mais à l’impuissance.
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