Le poème du dimanche | ‘‘L’Orient et le Ciel’’ de Saïd Aboubakr

Saïd Aboubakr est poète et journaliste. Il s’est imposé comme une figure intellectuelle dans les années trente, où il prend part au mouvement national tunisien.

Né en 1899 à Moknine, dans le Sahel tunisien, Saïd Aboubakr collabore à différents journaux et revues littéraires, fait des reportages, écrit des carnets de voyage. Son œuvre poétique est marquée par un engagement anticolonialiste, patriotique, appelant au réveil du monde arabo-musulman. Il cherche aussi à participer au mouvement moderniste littéraire du Mahjar (l’émigration arabe aux Amériques) et tente d’innover dans le rythme et la métrique de sa poésie. Son recueil ‘‘Assaidiyat’’, paru en 1927 à Sousse, est réédité à la MTE en 1981. Il décède à Tunis en 1948.

Tahar Bekri

Aide-moi ! O malheur : Des désastres remplissent

Ma poitrine, proviennent là où je sais et ne sais guère

Je suis entré dans l’arène de la guerre le droit clair

Et l’ai quittée le droit dans la tombe

J’ai tendu ma main vers la paix les catastrophes

Se sont mises à poser tout malheur sur mon dos

Je suis l’Orient il suffit à Dieu d’être à mes côtés

Pour que je redevienne victorieux

Je suis le crédule quand s’attise la guerre

Je suis le crédule mais non je ne suis pas crédule

Quel est mon crime ô ciel qu’ai-je commis

Pour devenir nourriture pour le vautour et l’aigle

Alors que je jouissais des hautes cimes

Que j’étais dans la plénitude et le bien-être

Toutes les nations veulent-elles me faire

Boire une coupe de coloquinte amère

Espèrent-elles ma perte pour vivre

Heureuse sur terre un mois ou un jour 

Que non et non ! Il n’est pas ainsi facile

Que ma vie fane sans culpabilité ou fardeau

Il n’est pas facile de détruire mon arbre

Avec une hache de tromperie et de ruse

Dois-je mériter l’humiliation et la misère

Alors qu’en moi résident fierté et orgueil

Est-il possible tel moi soit esclave ! C’est bien étrange !

Où est donc celui qui a pris la place de l’homme libre ?

Est-ce possible que je devienne prisonnier

Alors que je regarde les nids des oiseaux libres ?

Malheur abats donc sur moi des foudres vengeresses

La mort m’est meilleure que la servitude

Brûle-moi donc ô ciel de pluies de feux

Le feu est plus supportable dans le mal

… Non ! Par Celui qui t’a élevé Ne te presse pas

Même si mes pas sont aujourd’hui sur le chemin difficile

Patience ! Je te donnerai la preuve que je suis

-Quand il est temps- plus dur que le rocher

Je ferai de mes chers héros un habit qui protège    

Qui entoure cette pluie et en bénéficie

J’écrirai dans cet espace avec des lettres de feu

Vers la gloire ou le gouffre de la contrainte

Il  suffit pour preuve que l’Orient ait une braise

L’éteindre aujourd’hui serait méprisable

Qui s’enflamme d’âmes en colère. N’était-ce elle

Le cœur ne serait resté dans la poitrine

Ne suis-je dis ne suis-je pas celui par qui

S’illumine le monde au lever de l’aube ?

Ne suis-je de chaque religion la flamme

Qui s’envole mienne vers la terre et la mer ?

Ne suis-je pas celui qui te serra la main

En dessous de nous dans l’univers ce qui roule

Oui ! Si ma misère nous quitte

Il nous faudra revenir à cette époque

Tends une main et accueille-moi

Vers toi je hâte le pas et cours

Ma première bien-aimée ; entre nous l’absence

S’est prolongée ! Te souviens-tu des temps clairs ?

Il est temps que je te retrouve sourire aux lèvres

Combien de joies n’ai-je dans ces lèvres

***

Homme d’Orient y a-t-il ce qui remue ton cœur ?

Ça suffit d’avoir peur !

As-tu dans ces malheurs un avertisseur

As-tu dans ces jours sombres une excuse

Vers le dôme bleu ! Vite vers le ciel !

Vers le siège entre ses étoiles

Accroche-toi aux raisons des cimes c’est à toi

Qu’elles montrent satisfaction non pas aux autres

Coupe la main qui coupe par le couteau

Ton cœur Dieu pitié pour ce drame

C’est la grande étourderie dont le malheur s’aggrave

La perte t’en ai réservé et quelle grande perte !

C’est le grand étonnement ; ou sa disparition

Ou la disparition de l’Orient sur sa branche en fleurs

***

Dis Humain ! Es-tu indigné ?

Es-tu satisfait d’être en perte ?

Prends la poésie et lis, en elle il y a une sagesse

Si tu ne le fais pas malheur à ma poésie !

Traduit de l’arabe par Tahar Bekri,  

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