Tunisie-Palestine | Un match qui révèle une fragilité nationale 

Le nul 2–2 entre la Tunisie et la Palestine, hier, jeudi 4 décembre 2025, dans le second match de groupe de la Coupe arabe Fifa Qatar, ne devrait pas être seulement lu comme un résultat sportif, d’autant plus qu’il fait suite à une défaite, trois jours auparavant, contre l’équipe de Syrie (0-1). Certains matchs fonctionnent comme des scanners, surtout par les réactions qu’ils suscitent chez les supporters : ils exposent les forces, les failles et les états émotionnels d’un pays mieux que n’importe quel discours officiel. 

Manel Albouchi

La Tunisie a marqué, dominé par moments, montré du talent puis s’est effritée, s’est dispersée, s’est vidée. Ce relâchement n’est pas seulement technique. Il révèle quelque chose de plus profond : un pays qui sait commencer mais qui peine à tenir, qui a l’énergie mais pas encore la colonne vertébrale psychique pour transformer l’élan en stabilité. 

Deux narrations

Ce match raconte une Tunisie généreuse, brillante, mais fragile. Une Tunisie qui se crispe sous la pression, qui doute, qui anticipe le jugement. Ce Surmoi écrasant, cette peur de décevoir, paralyse autant les joueurs que les citoyens. Dans les moments décisifs, la Tunisie s’oublie, perd son centre, laisse la place au chaos intérieur. 

Face à elle, la Palestine a incarné autre chose : la pulsion de survie, le refus absolu de disparaître. Elle a joué comme un peuple qui n’a plus d’autre espace d’existence que ce rectangle vert. Son désir de rester debout a rattrapé le manque d’infrastructures, de stabilité ou d’avantages. Sur le plan symbolique, ce match n’a pas opposé deux équipes, mais deux narrations : l’une qui cherche à se retrouver, l’autre qui se bat pour rester visible. 

Ambivalence affective

Le public tunisien, lui aussi, a été traversé par une émotion paradoxale : soutenir son pays tout en portant une loyauté fraternelle envers la Palestine. Cette ambivalence affective a pesé dans l’atmosphère du match. Comme si l’inconscient collectif refusait une victoire trop nette, par solidarité, par mémoire, par douleur partagée. 

Mais l’enseignement le plus crucial de ce match est ailleurs. Il nous dit que la Tunisie possède l’énergie, le talent, la créativité mais manque de structure, d’endurance mentale, de stabilité institutionnelle. Ce que l’on voit sur le terrain n’est que le reflet d’un pays en transition, encore pris entre sa puissance et ses fragilités. 

Les drapeaux palestiniens et tunisiens mêlés dans les gradins: une semi-défaite presque acceptable.

Tenir jusqu’au bout

Le terrain de football raconte parfois ce que les rues taisent. Et ce 2-2 nous dit qu’il est temps pour la Tunisie de reconstruire sa psyché collective, de travailler sa cohésion, de former ses joueurs et ses institutions à la résilience, à la continuité, à la confiance durable. 

La Tunisie n’est pas en échec. Elle est en chantier. Et ce match n’a pas été une perte mais une invitation à reprendre le travail non pas en cherchant un coupable, mais en construisant enfin la structure qui permettra à l’élan tunisien de tenir jusqu’au bout.

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