Les attentats au Bardo et à Sousse ont porté un coup dur au tourisme tunisien. Mais l’espoir d’une remontée existe.
Par Marwan Chahla
Pendant une bonne part du parcours de la Tunisie indépendante, l’industrie du tourisme a été une composante essentielle du développement et de la croissance économiques du pays. Selon les estimations du World Travel & Tourism Council (Conseil mondial du voyage et du tourisme, WTTC, en anglais), 15,2% du produit intérieur brut (PIB) tunisien ont été générés, en 2013-2014, par des activités économiques annexes ou ayant un lien indirect avec les industries du voyage et du tourisme, et ces 2 industries elles-mêmes ont contribué à hauteur de 7,3% au PIB de la Tunisie.
En 2015, 2 attaques terroristes – contre le musée national du Bardo, le 18 mars, et l’hôtel Imperial Marhaba, le 26 juin – qui ont coûté au total la vie à 61 personnes, notamment des ressortissants du Royaume-Uni et d’Allemagne, 2 des marchés européens les plus importants pour l’industrie touristique tunisienne.
Une nouvelle indulgence du touriste
En règle générale, ces dernières années, selon les observateurs avertis, ce type d’attentats terroristes n’affecte le nombre des visiteurs étrangers que pendant une courte période – plus courte qu’on pourrait le croire. En effet, plusieurs études récentes ont démontré que les destinations touchées par le terrorisme parviennent à remonter la pente avec une facilité de plus en plus grande que par le passé… En témoignent le comportement des touristes étrangers vis-à-vis des destinations américaine et britannique, au lendemain des attaques du 9/11 et du 7/7.
Cependant, dans le cas tunisien, avec 2 attentats terroristes en une période si courte d’un peu plus de 3 mois, l’impact sur le tourisme étranger a été très durement ressenti, avec des baisses de régime très remarquées enregistrées par l’activité des principaux aéroports du pays, notamment celle du trafic en provenance d’importants marchés européens, indique le site de voyage ‘‘Anna Aero’’ (Airline network news and analysis-Aero, ‘AA’).
Jusqu’ici, le trafic-passagers des aéroports d’Enfidha et de Monastir ont enregistré une chute de 50%, en comparaison avec les 8 premiers mois de 2014, avec le mois d’août de la présente année subissant une baisse vertigineuse de 80%. Pour ‘‘AA’’, ces chiffres administrent la preuve de l’effet dévastateur qu’ont eu les attaques du Bardo et de Sousse sur l’activité aéroportuaire en Tunisie.
‘‘Anna Aero’’ a mené une étude approfondie sur les comportements des marchés émetteurs britannique et allemand, et elle en a publié, mercredi 7 octobre 2015, des résultats détaillés.
Chute du marché britannique de 86%
En 2015, le marché britannique a été desservi par 21 courriers, dont 5 services seulement sont accomplis par des transporteurs réguliers (Londres-Gatwick et Manchester vers Enfidha, Londres-Stansted vers Monastir, et Londres-Gatwick et Londres-Heathrow vers Tunis). Le total a chuté des 22 paires d’aéroport assurées en 2014. Des vols aériens reliant les 2 pays, 3 ont opéré en 2015, et non pas en 2014, il y a les lignes: Birmingham/Djerba, Londres-Stansted/Monastir et Gatwick/Tunis. Cependant, le vol à partir de Heathrow, la seule liaison britannique en partance de cet aéroport, a enregistré un sérieux effondrement de 35%, selon des données fournies par l’Autorité de l’aviation civile (CAA) du Royaume-Uni.
A la veille des attaques terroristes de mars et juin 2015, le trafic aérien entre la Tunisie et le Royaume-Uni a progressé d’une moyenne mensuelle de 12%. A la suite des attentats du Bardo et de l’Imperial Marhaba, la chute du nombre de voyageurs entre les 2 pays a été très rapide.
Baisse du marché allemand de 26%
Durant les 7 premiers mois de 2015, le trafic global des voyageurs entre l’Allemagne et la Tunisie a baissé de 26%, avec une moyenne mensuelle de 15%, selon les données de Statistisches Bundesamt (Destatis), l’office allemand de la statistique.
La différence entre les marchés allemand et britannique réside dans le fait que la chute pour le premier émetteur a commencé en février. En outre, en 2014, le trafic des passagers allemands a également chuté durant 5 mois, y compris pendant 3 mois de l’été 2014 (mai, juin et juillet). A la suite de l’attaque contre l’Imperial Marhaba, à Sousse, le voyagiste TUI a affrété 6 avions pour rapatrier les touristes allemands, suivant en cela la décision de ses concurrents britanniques qui se sont hâtés à faire rentrer chez eux leurs clients.
Ces déconvenues ne sont pas les premières dans l’histoire des industries tunisiennes du voyage et du tourisme. ‘‘AA’’ a pris le soin de rappeler, dans son analyse, qu’à la suite de l’attentat terroriste de Djerba, en 2002, qui a coûté la vie à 19 personnes (dont 14 ressortissants allemands), la Tunisie a fait face à des pertes importantes en revenus touristiques: cette attaque avait fait chuter le nombre de touristes allemands à destination de l’aéroport de Monastir de 35%, en 2002, et de 13% de plus, l’année suivante.
Puis, très vite, cette page sombre a été tournée puisque, en 2005, le nombre de voyageurs à destination de Monastir est monté en flèche et a même battu le record de 2001.
Il y aurait donc lieu d’espérer que les industries tunisiennes du tourisme et du voyage retrouvent plus tôt que prévu leur vigueur et leur croissance… Tout est une question de réussite du pari sécuritaire du gouvernement de Habib Essid.
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