Le problème avec les élections présidentielles tunisiennes dont le 1er tour est prévu pour le 15 septembre 2019, c’est qu’au jour d’aujourd’hui, aucun candidat ne sort vraiment du lot et ne force le respect d’une majorité de Tunisiens. D’où le dilemme des électeurs…
Par Hichem Cherif *
Quand on fait un choix dans sa vie, on commence par poser normalement sa hiérarchie de valeurs pour que notre choix soit le plus adéquat avec nos principes, nos valeurs, nos objectifs.
Avant de poser les questions que chacun de nous doit se poser pour bien choisir notre président, permettez-moi de signaler la singularité de la Tunisie dans son environnement arabe, raison pour laquelle il ne faut jamais importer un système ou une idée sans les avoir adaptés à notre environnement.
Mais d’abord, faisons les quelques constats qui s’imposent…
1- Le nombre de candidats qui ont posé leur dossier :
Si on rapporte le nombre de candidats qui ont posé leur dossier (97) au nombre d’électeurs potentiels (4,5 millions) ou inscrits (2,8 millions), on est le premier pays démocratique du monde sur la base de ce rapport. Faut-il conclure que nous sommes l’exemple à suivre ?
Sur la base de l’idée que l’élection est ouverte à tout Tunisien qui veut se présenter, oui, mais si on tient compte de la fonction régalienne visée et du sérieux que doit présenter un candidat, on risque d’être la «risée» du monde démocrate.
2- Le nombre de candidats retenus (26) :
Ceci prouve encore, l’hérésie des candidats initiaux (97) dont certains savent qu’ils ne répondent pas aux conditions exigées mais qui «fanfaronnent» à la Tunisienne pour avoir déposé un dossier pour le poste suprême, sachant qu’ils ne pourront jamais diriger le pays, la constitution tunisienne ayant défini un «système hybride» ni vraiment présidentiel i totalement parlementaire (encore une spécificité tunisienne qui sort toujours des sentiers battus pour créer un «mélange» improbable à l’image de la salade tunisienne qui n’est qu’un mixage des légumes de saisons sans particularité propre).
Quant aux candidats retenus, aucun d’entre eux ne peut se prévaloir de plus de 20% de «représentativité» car aucun n’a de programme qui se différencie de deux des autres pour espérer une adhésion massive sur un choix déterminé.
3 – L’endettement du pays :
Quand on est endetté chaque année un peu plus ; quand on consomme plus qu’on produit ; on ne peut pas avoir un programme autre que celui de ses créanciers. La liberté de la pensée, de l’action, des programmes ne peut se concevoir que quand on n’a pas hypothéqué ses décisions, ou aliéné ses choix à ses créanciers.
Je serais content si vous pouvez établir un tableau de comparaison entre les programmes des uns et des autres. Personne ne se présente avec un programme «chiffré» qui peut être analysé par les spécialistes pour distinguer le juste du faux mais si on va voter sur la base de l’image du candidat, ou de ses vagues promesses qui n’engagent que ceux qui y croient, on ne peut pas établir un choix raisonnable et convaincant sans oublier le peu de prérogatives laissées au président.
Procédons par élimination:
A) À éliminer les candidats partisans ou qui n’ont pas réussi leur mandat précédent :
Tout candidat partisan ou ayant eu une expérience gouvernementale (Moncef Marzouki, Hamadi Jebali, Youssef Chahed), ou à la tête du parlement (Abdelfattah Mourou) ne peuvent pas empêcher les électeurs de les associer aux partis qu’ils représentent ou à leurs actions qui n’ont pas laissé des résultats convaincants.
M. Mourou porte une conviction, un choix qui ne représente que 20 à 25% de la population, peut-il être le président des 70% autres Tunisiens qui ne partagent pas ses choix ?
MM. Marzouki, Jebali et Chahed sont jugés sur leurs actions anciennes qui n’emportent pas l’adhésion d’une majorité des Tunisiens, comment peuvent-ils imaginer pouvoir présider la Tunisie avec l’image négative qu’ils traînent et les échecs qu’ils ont enregistrés chacun de son côté pour convaincre les qu’ils feront mieux?
B – Les candidats technocrates compétents :
À l’image de Mehdi Jomaa, c’est une personne qui peut réussir en tant que technicien au sein d’un gouvernement, ou à la tête d’un gouvernement de «technocrates» ou d’un simple projet pour le bien du pays, pourquoi allez moisir à Carthage où il n’a rien à faire eu égard à aux prérogatives limitées attribuées au président par la constitution ?
Il serait plus rentable et utile pour son pays en menant à terme une action sur le terrain qu’en regardant la scène politique de loin sans apporter aucune «plus-value» pour le pays qui a fortement besoin de lui sur un autre plan.
C – Les candidats «légers» :
Les Mohamed Abbou, Mohsen Marzouk, Néji Jalloul, Saïd Aïdi, Abdelkrim Zbidi ou autres Salma Elloumi-Rekik ont été dans les divers gouvernements mais que garder de leur passage ? Aucune action mémorable prouvant qu’ils sont capables de diriger un département, que dire de leur capacité à diriger un Etat ? Leurs voltefaces successives et leurs changements de partis dénotent un opportunisme flagrant et un manque de convictions, d’idées, de principes, alors que la fonction nécessite une personne qui se définit par ses choix immuables, une histoire claire pour convaincre de son sérieux auprès de la majorité des électeurs.
Parmi les légers, on citera aussi Hamma Hammami et son frère ennemi Mongi Rahoui qui se bagarrent pour des idées dépassées par le temps et qui ne peuvent pas prétendre à plus de 1 à 2 % des suffrages vu qu’ils se présentent séparément. N’aurait-il pas mieux fait de rester dans l’opposition, leur place naturelle, pour garder un œil sur les dépassements et faire un tant soit peu les gendarmes pour l’intérêt général du pays. En attendant une période plus faste pour la gauche radicale, aujourd’hui très marginale.
Vous imaginez Hamma Hammami au Palais de Carthage ? Ce serait de la rigolade et je ne peux pas croire qu’il se croit lui-même à la hauteur de la fonction.
D) Les candidats problématiques :
Abir Moussi rappelle trop la gestion du pays et les choix faits par l’ancien régime pour pouvoir convaincre qu’elle ne fera pas autant une fois élue. On ne peut pas construire l’avenir avec des idées et des attitudes du passé.
Nabil Karoui ne peut pas espérer traîner ses casseroles au Palais Carthage sans préjuger de la fin de son histoire avec la justice, mais, de toute façon, on le voit mal passer de la prison (tout en étant présumé innocent jusqu’à nouvel ordre) au Palais Carthage pour recevoir les grands de ce monde.
La Tunisie a besoin d’une image plus positive pour espérer mieux faire entendre sa voix sur le plan international et garantir sa sécurité.
Certes, d’autres noms m’échappent pour leur manque de notoriété et je m’en excuse, mais je n’en suis pas le seul «coupable», car ces candidats pèsent très léger et sont peu pris au sérieux, y compris par leurs proches.
E) Pour qui alors voter ?
À quelqu’un qui présente une image sereine, tranquille, sage, qui ne traîne pas de casseroles, qui a un peu d’expérience pour être le garant de l’application des lois et bien représenter la Tunisie sur la scène internationale.
Inexistant ? Il doit y avoir parmi les Tunisiens une personnalité neutre, sage, garante de l’application de la loi, soucieuse de la sécurité des Tunisiens et qui défend les intérêts de la Tunisie et porte haut sa parole.
L’actuel président par intérim aurait fait l’affaire s’il n’était pas «fatigué» et à qui on souhaite une bonne retraite.
Autrement, il faut aller vers une personnalité «de consensus» eu égard au régime «hybride» prévu par la constitution tunisienne car le président n’est concerné que par la sécurité et les affaires étrangères du pays, autrement il est «spectateur» avec peu de pouvoir pour contrecarrer l’action du gouvernement ou l’orienter ou même l’influencer.
Si les candidats actuels aiment la Tunisie et veulent sincèrement assurer sa prospérité et sa sécurité, ils doivent se réunir autour d’une table et choisissent l’un d’entre eux, par vote ou au tirage au sort, et nous éviter cette mascarade d’élection présidentielle qui ne fait pas honneur à la démocratie naissante tunisienne.
Sinon, j’invite les Tunisiens à voter «blanc», c’est-à-dire pour personne et contre tous. Une sorte de vote sanction généralisé…
* Avocat.
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