La fonction de président de la république a déjà été dévoyée en Tunisie par certains des précédents locataires du Palais de Carthage. Evitons, donc, de l’abaisser davantage en portant au second tour de la présidentielle des personnages douteux.
Par Ridha Kefi
Les Tunisiens se rendent aux urnes aujourd’hui, dimanche 15 septembre 2019, pour le 1er tour de l’élection présidentielle anticipée. Ils vont élire le successeur du défunt Béji Caïd Essebsi, le 1er président élu à la suite d’un scrutin réellement indépendant, pluraliste et libre dans l’histoire du pays, décédé à quelques mois de la fin de son mandat à l’âge de 92 ans.
Sur le bulletin de vote, les électeurs vont trouver 26 cases avec les noms, les photos et les numéros distinctifs des candidats, même ceux des deux candidats, Mohsen Marzouk et Slim Riahi, qui se sont désistés en dernière minute, c’est-à-dire 48 heures avant le scrutin, au profit d’un troisième Abdelkarim Zbidi.
Une grande indécision
La différence entre le 1er tour de la précédente présidentielle, en 2014, et celle d’aujourd’hui, c’est l’indécision du scrutin. Il y a 5 ans, deux candidats se détachaient du reste des prétendants: feu Béji Caïd Essebsi et Moncef Marzouk, alors porté par le vote des islamistes d’Ennahdha. Aujourd’hui, aucun candidat ne se détache vraiment et jusqu’à la veille du scrutin, les sondages d’opinion, si tant est que l’on puisse leur faire crédit, donnaient 5 à 6 candidats en peloton de tête, dans un mouchoir de 5 à 6 points.
Rien n’est donc joué à l’avance et, pour une fois, la voix de chacun des électeurs va être déterminante quant à l’issue du scrutin.
Peut-on, par conséquent, s’attendre à une forte participation ? Rien n’est moins sûr, surtout si l’on tient compte du faible taux de participation enregistré lors des deux premiers jours de vote, hier et avant-hier, des Tunisiens résidents à l’étranger, ou encore de la conjoncture socio-économique très difficile dans laquelle se tient cette élection.
Indécision ? Le mot est faible pour désigner le scrutin d’aujourd’hui, tant la campagne électorale a été intense et a divisé sinon émietté le corps électoral, donnant lieu à des joutes verbales violentes où les intox, les désinformations, les insultes et les atteintes aux personnes ont tenu lieu de programmes. Ce qui, on l’imagine, n’a pas rehaussé l’image de la classe politique tunisienne, déjà largement décrédibilisée aux yeux des citoyens.
Un scrutin dont on craint, à juste titre, l’issue
La personnalité de certains candidats, dont on se demande ce qu’ils font dans cette course, tant ils sont louches, controversés et dénués des compétences et des qualités personnelles requises pour le poste brigué, a fait le reste, en alimentant le scepticisme et le doute et en réduisant l’intérêt pour un scrutin dont on craint, à juste titre, l’issue.
Cette crainte partagée par beaucoup de Tunisiens et de Tunisiennes peut être résumée dans cette interrogation : et si les urnes donnaient, pour le second tour, par une sorte de vote sanction ou de dépit ou de désespoir, deux de ces candidats controversés, quel intérêt aurait encore ce scrutin pour une majorité d’électeurs, déjà ulcérés par le déroulement de la campagne électorale du 1er tour ?
Ce scénario catastrophe est d’autant plus à craindre qu’il n’est pas improbable, tant les scores semblent serrés et la lutte impitoyable pour les deux places du second tour.
Aussi, les électeurs qui se préparent à aller aux urnes doivent-ils réfléchir mûrement avant de se hasarder à balancer leur bulletin dans l’urne: ils doivent voter pour un homme responsable, honnête, connaissant les rouages de l’Etat et au fait des besoins et des problèmes des citoyens et, qui, surtout, peut représenter honorablement le pays auprès de ses homologues étrangers.
La fonction de président de la république a déjà été dévoyée par certains des précédents locataires du Palais de Carthage, évitons de l’abaisser davantage en portant au second tour des personnages douteux.
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