Porté disparu depuis le 23 août dernier, jour de l’émission d’un mandat d’arrêt à son encontre et de l’arrestation de son frère et associé, Nabil Karoui, le député de Qalb Tounes, élu sur la circonscription de Bizerte, Ghazi Karoui, est enfin sorti de sa cachette, à l’occasion de la séance inaugurale de la nouvelle Assemblée des représentants du peuple (ARP), hier, 13 novembre 2019. Et pour cause…
Pour fuir la justice durant toute cette période, plus de deux mois et demi, Ghazi Karoui a dû courageusement zapper sa campagne électorale ainsi que la célébration de sa victoire aux législatives, récoltée, donc, sans même avoir tenu un seul discours auprès de ses électeurs. Ce qui en dit long, soit dit en passant, sur le degré de conscience élevé du «grand Pèple tunisien» (sic), pour emprunter l’expression de la députée constituante, Sonia Toumia.
Mais aujourd’hui, il y a de quoi justifier cette réapparition, puisqu’en prêtant serment en tant que nouveau député, Ghazi Karoui écope désormais officiellement d’une immunité parlementaire. Une mesure constitutionnelle à la lumière de laquelle toutes les accusations de corruption financière à son encontre seront mises au placard pendant 5 ans. Et vive la justice à la tunisienne !
Ce qui est anecdotique c’est la posture dans laquelle il a été pris en photo par nos confrères du Siyassi.tn : ouvrant un grand «moushaf» (il n’a pas trouvé un exemplaire plus grand) et en train de lire pieusement le Coran…
Il faut dire qu’en Tunisie, et dans les sociétés arabo-musulmanes de façon générale, où la morale et la religion sont naïvement confondues, il suffit que quelqu’un affiche sa spiritualité et montre son attachement à la religion pour qu’on fasse table rase de tous ses défauts.
D’ailleurs, pour illustrer cette idée avec un fait concret, prenons l’exemple du parti islamiste Ennahdha. Ce dernier jouit de la confiance d’une bonne partie des Tunisiens, de façon systématique, chaque élection depuis la révolution, et indépendamment de ses bourdes et échecs à répétition, rien que parce qu’il regroupe «ceux qui craignent [supposément] Allah».
Ils craignent tellement Allah qu’ils mentent, notamment en son nom, de façon toute aussi systématique, comme tout récemment, en jurant qu’ils ne s’allieront jamais avec Qalb Tounes, avant de se jeter dans les bras de ce parti «assimilé au fléau de la corruption», selon leurs propres propos.
Cherif Ben Younès
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