Donald Trump a finalement révélé son plan de paix, pompeusement qualifié de «plan du siècle», pour la Palestine. Il est directement inspiré de celui qui a relégué les Peaux Rouges dans des réserves installées après les massacres à répétition de la population autochtone d’Amérique pour laisser place nette aux immigrants venus d’Europe.
Par Hassen Zenati
Un Etat Palestinien en peau de léopard, totalement démilitarisé, ne maîtrisant aucun des moyens de son développement économique, sous la surveillance permanente de l’armée israélienne installée à demeure à tous les points stratégiques du territoire concédé, ne représentant plus que 8% de la terre ancestrale de Palestine. C’est le «plan de paix» américain que Donald Trump, dans un exercice convenu de téléréalité, a révélé après un suspense de près de trois ans ans. Le «plan du siècle», ainsi appelé par ses rédacteurs, a été écrit à quatre mains par son gendre, religieux orthodoxe, Jared Kushner, 39 ans, époux de sa fille aînée, Ivanka, et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, en bout de course. Il duplique comme un frère jumeau le plan de ces réserves étriquées laissées aux héritiers des Native Americans : Apaches, Cheyennes, Iroquois, Sioux, rescapés de l’un des plus grands génocides de l’Histoire perpétré par les Blancs venus d’Europe, pour faire place nette aux immigrants persécutés du Vieux Continent à la recherche d’un refuge.
La barbarie commise au nom de la «civilisation»
De 80 à 100 millions de personnes, la population indienne a été réduite à moins de 3 millions, entassés dans des réserves infâmes, ravagés par la pauvreté et une multitude d’autres fléaux, en proie à l’alcool et à la drogue, mais dont la parole reste inaudible.
Parmi les victimes de cette barbarie, commise au nom de la «civilisation», les Indiens de Californie, ont payé de leur vie la «ruée vers l’or», célébrée par Hollywood comme un moment fondateur de l’histoire des Etats-Unis dans des westerns triomphalistes où le Blanc est toujours du côté du Bien et l’Indien du côté du Mal.
Les gouvernements américains, prompts à faire la morale à toute l’Humanité, n’ont jamais reconnu le génocide des Indiens. À peine ont-ils reconnu des «massacres», tandis que, deux siècles après, les historiens du crû évitent encore le terme d’ethnocide, trop lourd à porter par la conscience américaine enfouie dans la moraline, selon le terme utilisé par le philosophe français Michel Onfray.
Imprégnés de cette histoire-western à l’américaine, version Hollywood, la plupart des Israéliens n’envisagent pas d’autre sort aux Palestiniens que celui des Peaux Rouges.
Ancien conseiller de Bill Clinton sur le Proche-Orient, Robert Malley, farouche partisan d’une «solution à deux Etats», supposant un Etat palestinien «viable», résume bien la philosophie du plan de Donald Trump : «Il revient à dire aux Palestiniens : vous avez perdu il faut vous en faire une raison», dans le pur style brutal du pragmatique homme d’affaire américain.
Ce seront encore les Palestiniens qui trinqueront.
Pour autant, le plan annoncé n’est pas encore acté au sens diplomatique du terme. Aussitôt sorti de la Maison Blanche, Benyamin Netanyahou, qui, à droite de son ami Trump, jouait son poste de Premier ministre, en balance à mi-mars pour la troisième fois en quelques mois faute d’avoir obtenu une majorité pour continuer à gouverner, a lancé qu’il était «prêt à négocier» cette solution américaine avec les Palestiniens. Ce qui veut dire, plus simplement, que l’on n’est pas face à une proposition «ferme et définitive», aussi injuste et régressive soit-elle, qui s’impose aux deux protagonistes sans discussion, mais d’un nouveau énième projet à négocier, ouvrant ainsi la voie à toutes les manœuvres diplomatiques, supposant de nouveaux compromis sur le dos de l’adversaire le plus faible. En l’occurrence, ce seront encore les Palestiniens qui trinqueront.
Depuis les accords d’Oslo, imprudemment signé en 1993, ces derniers se sont laissé prendre dans les rets d’une diplomatie israélienne retorse, qui feint de négocier en multipliant les faits accomplis. Les territoires que Benyamin Netanyahou, magnanime, se déclare prêt à négocier, auraient en effet dû être restitués depuis longtemps aux Palestiniens, y compris Jérusalem-est, conformément aux mêmes accords d’Oslo. Célébrés en leur temps comme une «lueur de paix», ces derniers se sont révélés à l’expérience être un enfer pour les populations palestiniennes prises au piège comme des rats, notamment à Gaza où elles sont entassées à plus d’un million et demi de personnes dans une prison à ciel ouvert. Le plan Trump signe d’ailleurs l’acte de décès des accords d’Oslo, négociés par les travaillistes israéliens, et que la droite supportait comme un lourd fardeau dont il fallait se débarrasser. L’assassinat de leur promoteur, le Premier ministre Yitzhak Rabin, par un jeune extrémiste de droite, fut le premier acte de ce reniement.
‘‘Le nettoyage ethnique en Palestine’’ se poursuit
Ce n’est pas tout : pour entrer en négociation, les Palestiniens doivent désormais reconnaître au préalable le «caractère juif» de l’Etat d’Israël, ce qui condamne à terme les 15 à 20% d’Arabes, musulmans et chrétiens, restés en Israël après la Naqba de 1948, à laisser à leur tour place nette aux juifs qui attendent dans plusieurs pays d’Europe de rejoindre les terres qui leurs auraient été réservées par Dieu sur la planète, selon l’Ancien Testament.
Les Arabes d’Israël seront sans doute relégués à terme quelque part dans le vaste désert qui reste à peupler. Pour la première fois de l’histoire humaine, on est au-delà de la théocratie – qui laisse place habituellement à d’autres religions – en plein délire religieux-racial.
Déjà après la première guerre israélo-arabe de 1948, le plan de partage de l’Onu, qui créait deux Etats, n’accordait aux Palestiniens que 48% des territoires disputées pour plus de deux tiers des habitants, alors que Jérusalem était placée sous statut international. Selon les «Nouveaux Historiens» israéliens, le fondateur du nouvel Etat, David Ben Gourion, présenté comme un chantre de paix par ses hagiographes, se chargea d’expulser manu-militari un demi-million de Palestiniens. «Quand la propagande israélienne répète inlassablement que ‘‘les Arabes sont partis d’eux-mêmes à l’appel de leurs dirigeants’’, il s’agit d’un mensonge fondateur destiné à masquer le crime qui s’est déroulé il y a soixante ans», écrit ainsi le «Nouvel Historien» israélien Ilan Pappé dans son livre : ‘‘Le nettoyage ethnique en Palestine’’.
L’exemple de Ben Gourion fut suivi par les groupes terroristes Etzel et Léhi, qui ont perpétré le massacre de Deir Yassin, avec, pour l’exemple, dans un pur style colonial, des hommes jetés vivants dans la fournaise des fours à chaux, des femmes violées et éventrées, etc. Depuis un siècle, c’est la même stratégie que le sionisme applique avec une remarquable constance : s’emparer des terres, créer un fait accompli et marginaliser les Palestiniens. Ilan Pappé, la qualifie de «nettoyage ethnique» et son collègue Israël Shamir l’assimile à un apartheid dans son livre les ‘‘Chasseurs de vampires’’.
Le silence gêné des pays arabes
Empêtrés dans des guerres internes, confinant à des guerres civiles, les pays arabes du voisinage, dont on attendait pour le moins une réaction formelle vigoureuse de soutien aux Palestiniens, et de sortir de l’ambiguïté, se sont réfugiés dans un silence gêné, laissant à Donald Trump, heureux de l’aubaine avant des élections présidentielles, qui s’annoncent incertaines, les mains libres sur un dossier qui n’est manifestement plus de leurs priorités. Ils se sont empressés de fourrer leur tête dans le sable, à l’exemple de la fameuse autruche.
L’Arabie Saoudite ne lorgne plus que l’Iran, érigé en ennemi héréditaire. L’Egypte a signé la paix avec Israël, qu’elle fournit depuis 2008 en gaz naturel. La Jordanie, signataire elle aussi d’un accord de paix avec Israël, si elle a adopté une position de principe : retour aux résolutions de l’Onu depuis la 242 rétablissant les frontières palestiniennes aux lignes de 1967, jusqu’à la toute dernière ouvrant la voie au retour dans leurs foyers des Palestiniens de 1948, se sait impuissante à faire basculer les choses. Le Maghreb est absent, la Ligue arabe sans voix.
En réalité, tout au long des dernières années, Israël, grâce à une diplomatie déployée tous azimuts, s’est employée à s’entourer d’une «ceinture de sécurité» mondiale faite de pays amis et de lobbies très actifs, prêts à faire taire toute réaction hostile à sa politique expansionniste et de négation des droits des Palestiniens, en vertu du précepte sioniste selon lequel «la Palestine est une terre sans peuple qui est revenue à un peuple sans terre». Donald Trump s’inscrit dans cette mythologie. Il vient d’en faire la démonstration.
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