Le parti Ennahdha croit pouvoir imposer sa volonté à 12 millions de Tunisiens en cherchant à faire tomber le gouvernement Elyes Fakhfakh, pas assez soumis à ses desiderata.
Par Imed Bahri
Monté sur ses grands chevaux, Abdelkarim Harouni, président du Majlis Choura, le conseil consultatif du parti islamiste, a annoncé, samedi soir, 15 février 2020, à l’issue de la réunion de ce conseil, quelques heures seulement avant la remise au président Kaïs Saïed de la liste des membres du gouvernement Elyès Fakhfakh, qu’il se retire de ce gouvernement et qu’il ne lui accordera pas la confiance s’il est présenté au vote de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Coup de poignard dans le dos ? Non, c’est un coup d’épée dans l’eau… Le coup ayant été très mal calculé, l’arroseur ne tardera pas à être arrosé. Wait and see…
L’arrogance de Harouni et des islamistes
M. Harouni a lancé avec une arrogance qui en dit long sur l’esprit revanchard d’Ennahdha : «M. Fakhfakh doit rendre sa mission au président de la république et céder la place à quelqu’un d’autre».
Ce dernier s’est rendu coupable, aux yeux de M. Harouni et de ses «frères musulmans», de n’avoir pas intégré à son gouvernement Qalb Tounes, un parti dont le président est poursuivi en justice dans des affaires de fraude fiscale, de corruption financière et de blanchiment d’argent, et surtout d’avoir accordé 6 ministères seulement à Ennahdha, et pas ceux qu’il exige pour imposer son contrôle total sur le pays, à savoir les départements de l’Intérieur, de la Justice et des Technologies de la communication, attribués à des personnalités compétentes et indépendantes, afin de les mettre à l’abri des manipulations politiciennes.
«Quatre-vingt membres (de Majlis Choura, Ndlr) ont voté le retrait du gouvernement Fakhfakh», a précisé Harouni. Cette instance comptant cent-cinquante membres, ce dernier s’est cru obligé de préciser que l’urgence a fait «qu’un certain nombre n’a pu être présent», ajoutant qu’un «fort consensus au sein du parti» s’est dessiné autour de ce retrait du gouvernement Fakhfakh, laissant entendre par là que le sort de 12 millions de Tunisiens dépend, aujourd’hui, des caprices d’une poignée de barbus, qui n’ont cessé, depuis 2012, de détruire l’économie du pays et de démanteler ses institutions.
Les islamistes poussent la Tunisie au bord du précipice
Là où en aujourd’hui sont les choses, M. Fakhfakh devrait passer outre les réfractaires d’Ennahdha et les renvoyer à leurs chimères, notamment en mettant fin à toute négociation avec eux, en remplaçant les ministres nahdhaouis par d’autres indépendants et en présentant une nouvelle liste au vote du parlement, pour mettre ainsi ces derniers et leurs alliés de Qalb Tounes devant leurs responsabilités face aux électeurs tunisiens, qui seront alors obligés de repasser par les urnes. Car, si le vote de confiance n’est pas accordé, le président sera contraint de dissoudre le parlement et d’appeler à des législatives anticipées.
Parions qu’au moment de mettre le bulletin de nouveau dans l’urne, l’électeur tunisien saura réfléchir par deux fois avant d’accorder sa voix à une bande de calculateurs, d’égoïstes et d’irresponsables qui n’ont cessé, depuis 2011, de pousser le pays au bord du précipice.
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