‘‘Psaume’’ est un poème du poète, intellectuel et diplomate roumain Lucian Blaga qui fut longuement persécuté par le régime communiste. Il est tiré de son célèbre recueil (‘L’étoile la plus triste’’ traduit du roumain par Sanda Stolojan. Aujourd’hui c’est un des monuments de la littérature roumaine.
Lucian Blaga naît le 8 mai 1895 dans le petit village transylvanien de Lancràm. Fils de pope (prêtre de l’Eglise orthodoxe slave), l’enfant ne prononça pas, dit-on, un seul mot jusqu’à ses quatre ans. Dans son poème ‘‘Autoportrait’’, il dira encore : «Lucian Blaga est silencieux comme un cygne.» Sa famille comprend un père prêtre instruit dans la culture allemande, sa mère enracinée à la terre, et huit frères et sœurs. Il est le neuvième et dernier enfant, tard venu au langage.
«Le penchant pour la philosophie, je l’ai hérité de mon père, un homme qui a lu énormément, qui connaissait parfaitement la philosophie allemande, un homme qui avait de très vastes connaissances autant en musique qu’en mathématiques. Le penchant poétique et la vigueur, la productivité, je les ai hérités du côté de ma mère. C’est elle qui m’a transmis aussi le sens profond de la superstition, du conte, du magique et de la religion [… ] Par ma mère, je me sens attaché à la terre», écrit-il.
Son enfance est donc placée sous le signe de «l’incroyable absence du mot», qui lui fera se méfier des paroles vaines.
Après les années de primaire dans sa ville natale, il entre au collège Andrei Saguna de Bragov. Il y reste de 1906 à 1914 et, quand éclate la Grande Guerre, entame des études en théologie à Sibiu. Il publie ses premiers poèmes à 15 ans. Diplômé en 1917, il publie son premier article philosophique sur la théorie de Bergson du temps subjectif.
Pendant trois ans encore, il assiste aux cours de philosophie de l’Université de Vienne avant de passer son doctorat en philosophie en 1920, avec sa thèse «Kultur und Kenntnis», culture et connaissance. Il avait déjà publié en 1919 ‘‘Poemele lumini’’ (Les poèmes de la lumière) et un recueil d’aphorismes ‘‘Pierres pour mon peuple’’. De retour dans une Roumanie réunifiée, il travaille pour différents journaux transylvaniens et tient notamment une chronique pour Culture à Cluj.
D’abord journaliste, il entre dans la carrière diplomatique en 1926, il est successivement en poste à Varsovie, Prague, Vienne (1932), Berne et Lisbonne (1938). Élu à l’Académie roumaine en 1937, il y prononce, comme discours d’entrée, son célèbre ‘‘Éloge du Village Roumain’’. Deux ans plus tard, il devient professeur de philosophie à l’Université de Cluj. À partir de 1943, il est rédacteur-en-chef du magazine ‘‘Saeculum’’. En 1948, Blaga, qui a refusé d’apporter son soutien au nouveau régime communiste, doit démissionner. Il est exclu de l’Université et de l’Académie Roumaine. Ses livres sont sortis des bibliothèques et des librairies, et il est interdit de publication.
De 1949 à 1959, année de sa retraite, il travaille comme chercheur à l’Institut d’Histoire et de Philosophie de Cluj, puis comme conservateur à la Bibliothèque de l’Académie de Cluj.
En outre Blaga a été interdit de publier son travail universitaire, étant seulement autorisé à publier des traductions, dont celle du ‘‘Faust’’ de Goethe en 1955, la première en langue roumaine, avant qu’il ne soit finalement envoyé dans les prisons communistes. Le régime communiste le réduit donc à l’isolement, en allant jusqu’à s’opposer à ce qu’il puisse obtenir le prix Nobel en 1956 par l’Académie Royale de Suède qui l’a nominé. Le régime fait fortement pression sur le jury, en envoyant des émissaires à Oslo, et lâchement l’académie Nobel cédera, nommant Ramon Jimenez à sa place.
Lucian Blaga avait été proposé pour le prix Nobel par Rosa del Conte, Mircea Eliade et Basil Munteanu.
Il va vivre en exil intérieur à Cluj, épié, marginalisé, parfois emprisonné.
Lucian Blaga décède à Cluj, le 6 mai 1961, des suites d’un cancer, et aussi de fatigue, peu après sa dernière libération quelques années plus tôt. Il a été enterré dans son village natal, Lancràm. Ses poèmes seront enfin autorisés de parution en Roumanie l’année suivante. Sa poésie est surtout publiée dans son recueil ‘‘Poèmes de la lumière’’ (1919) et dans un choix de poèmes publiés après sa mort ‘‘L’étoile la plus triste’’. Ses derniers poèmes datent de 1960.
Ta solitude cachée m’a toujours fait souffrir
Seigneur, mais que pouvais-je faire ?
Enfant, je jouais avec toi,
je te démontais par l’imagination comme on bricole un jouet.
Plus tard ma sauvagerie l’emporta,
mes chants périrent
et sans t’avoir jamais senti proche
je t’ai perdu pour toujours
dans la terre et le feu, sur les eaux et dans les airs.
De l’aube au crépuscule
je ne suis que fange et blessure.
Toi tu t’es refermé dans ton ciel comme dans un cercueil.
Oh, si tu n’étais plus apparenté à la mort
qu’à la vie
tu me parlerais. Où que tu sois,
au fond de la terre ou dans les contes, tu me parlerais.
Seigneur, montre ta face dans les épines d’ici-bas
afin que je comprenne ce que tu attends de moi.
Me faut-il saisir au vol la lance envenimée
jetée d’en bas par ceux qui cherchent à te blesser sous l’aile ?
Ou ne réclames-tu rien ?
Tu es l’immuable, l’identité muette
(arrondi en soi a est a),
tu ne demandes rien, pas même une prière.
Vois, les étoiles font leur entrée dans l’univers
en même temps que mes interrogatives tristesses.
La nuit est sans fenêtres sur le monde.
Seigneur, désormais que vais-je devenir ?
Laisse-moi me défaire en toi, me dépouiller de mon corps
comme d’un vêtement abandonné en route.
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