Ahmed Isaac Ibrahim, 58 ans, est décédé à l’hôpital Mongi Slim de la Marsa. Il faisait partie du groupe de réfugiés ayant fui la Libye en 2011 qui ont été déboutés par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies (UNHCR), lors des procédures de reconnaissance de leur statut.
Cette information de l’Alliance pour la sécurité et les libertés (ASL) que la rédaction a reçue hier, lundi 9 mars 2020, passe en revue le triste parcours d’Ahmed Isaac Ibrahim du camp de Choucha, à Médenine, à la Marsa, au nord de Tunis, qui l’a mené à la mort…
«Après l’évacuation forcée et la destruction du camp de Choucha en juin 2017, Ahmed et 30 autres réfugiés ont été logés à la Maison des Jeunes de la Marsa, avec la promesse d’une solution d’hébergement provisoire.
Ignorés par les autorités tunisiennes et les organisations internationales, ces réfugiés vivent toujours dans cette maison de jeunes, dans des conditions dégradantes, qui ont mené au décès d’Ahmed : son état de santé s’était détérioré ces derniers mois du fait de la malnutrition et de la privation de soins médicaux réguliers. Il s’était aggravé au cours des 4 derniers jours. Ahmed s’était rendu une première fois à l’hôpital le mercredi 4 mars où son cas a visiblement été négligé, puisqu’il a été renvoyé à la Maison des Jeunes le même jour. Ses camarades réfugiés ont alors tenté de faire appel à des médecins et à des associations humanitaires (Médecins du Monde) pour qu’ils viennent l’examiner sur les lieux.
Tous ont refusé de faire le déplacement. Certains sont allés jusqu’à motiver leur refus par la peur – infondée – d’une éventuelle contamination au
coronavirus. Jeudi matin, vers 9h45, Ahmed a fait une crise cardiaque et ses amis l’ont de nouveau emmené à l’hôpital Mongi Slim où les médecins ont découvert que le taux de glycémie dans son sang était de 6 grammes/litre. «C’est un problème de diabète qui a dû passer inaperçu», a déclaré le médecin qui l’a réanimé. Il est tombé dans le coma et est décédé le vendredi 6 mars à l’aube.
Ahmed Isaac Ibrahim avait fui le Darfour il y a 16 ans, et, bien que remplissant les critères d’obtention du statut de réfugié, l’UNHCR le lui a refusé lors de procédures bâclées sur le camp de Choucha. Joints au téléphone vendredi matin, ses amis et camarades dénoncent les violations de droits de l’UNHCR à leur égard : «Ce sont eux les responsables, ils l’ont assassiné. C’est à eux de prendre en charge ses funérailles dans des conditions dignes», disent-ils. «D’ici un mois, une autre personne va mourir car nous sommes tous malades là-bas. Personne ne bouge, tout le monde est là et tout le monde regarde, même vous. C’est déplorable. Il est temps que l’UNHCR, qui nous a envoyé en Tunisie, résolve notre situation».
Ahmed Isaac Ibrahim a été enterré ce lundi 9 mars au cimetière de Gammarth…
Notons que l’Alliance pour la Sécurité et les Libertés regroupe plusieurs organisations de la société civile telles que, Al Bawsala, Avocats sans Frontières, Jamaity, Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes), Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH), Mobdiun, Organisation mondiale contre la torture, Psychologues du Monde-Tunisie, Solidar Tunisie.
A. M.
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