Dans la Tunisie d’aujourd’hui, Mohsen Marzouk est une voix peu audible et, pour les rares qui l’écoutent, complètement incomprise. L’homme fait pourtant des déclarations qui mériteraient de mettre la puce à l’oreille de plus d’un et de donner à réfléchir sur les moyens de sortir les Tunisiennes et les Tunisiens du pétrin où ils se sont mis de leur propre gré. Traduire : par leur vote irrationnel.
Par Imed Bahri
Le président de Machrou Tounes, victime des campagnes de dénigrement dont il fut l’objet depuis le temps où il était le numéro 2 de Nidaa Tounes et le bras droit de l’ancien président de la république Béji Caïd Essebsi, n’a pas l’oreille de beaucoup de ses concitoyens parce qu’il n’arrive pas à gagner leur confiance.
Une voix de vérité dans le tumulte des mensonges
Il faut dire que les adversaires politiques de Mohsen Marzouk (et ils sont nombreux, non seulement dans le rang des islamistes, mais aussi parmi sa propre famille, démocrate, progressiste et de gauche) le chargent beaucoup, d’autant qu’il a bon dos et que les Tunisiennes et les Tunisiennes ont la fâcheuse manie de prendre pour argent comptant tout ce qu’on déverse dans leurs oreilles comme intox et accusations mensongères, et plus la couleuvre est grosse et plus ils ont tendance à l’avaler, sans se poser de questions. Ainsi va la démocratie dans un pays où les incultes et les escrocs ont plus de chance d’être élus…
Marzouk n’est pas le seul dans la classe politique tunisienne à subir ces machines du dénigrement, bien huilées et surtout bien rémunérées par l’argent sale des trafics de toutes sortes, ayant fleuri au lendemain de la révolution de janvier 2011, mais sa voix mérite sans doute d’être mieux portée pour être mieux écoutée, car ses analyses sont souvent justes et peuvent aider à mieux appréhender la situation dans le pays et à entrevoir des solutions aux problèmes posés.
Dans un post facebook publié hier, samedi 13 juin 2020, et traduit ci-dessous en français, le président de Machrou Tounes revient sur la vague de «mensonges» dont il fut la cible, déplore le temps perdu et propose une vision des problèmes actuels de la Tunisie et des pistes pour une sortie de crise.
Le temps perdu aura un prix
«Après la vague de mensonges alimentés par Ennahdha et ses alliés sur la question des bases militaires étrangères en Tunisie, en faisant allusion au mémorandum d’entente entre la Tunisie et les Etats-Unis que j’ai eu l’honneur de signer en 2015, le ministre de la Défense tunisien a dû aller au parlement pour nier l’existence de bases militaires étrangères en Tunisie.
«Après la vague de haine déclenchée par ce qu’on avait dit sur la nécessité de créer un Conseil supérieur de la diplomatie en Tunisie, étant donné l’absence d’une stratégie diplomatique tunisienne, l’actuel ministre des Affaires étrangères est allé au parlement pour dire en toutes lettres que nous n’avons aucune stratégie diplomatique et que tout ce qui se dit à se sujet n’est que du vent.
«Malgré les appels que nous avons lancés depuis plusieurs semaines pour anticiper l’évolution de la situation et fixer une date pour l’ouverture des frontières aériennes et maritimes, tout en clarifiant notre politique sanitaire accompagnant cette ouverture, nous avons accusé, dans ce domaine, un retard dont nous paierons le prix au cours de la saison touristique.
«Nous avons perdu la voix pour avoir beaucoup crié, dès la première semaine de mars, la nécessité de demander aux pays amis le report du paiement de nos dettes et profiter de la situation qui s’y prêtait et pouvait nous permettre d’utiliser l’argent de ces dettes pour faire face à nos grands problèmes économiques et financiers, mais le gouvernement ne nous a pas écouté et notre diplomatie n’a pas bougé. Le résultat est que nous avons perdu beaucoup de temps et notre demande ne serait plus aujourd’hui écoutée. Aussi devons-nous désormais chercher les fonds nécessaires dans les poches vides du peuple.
«Nous avons aussi dit et répété que le temps était venu de revoir le processus politique totalement erroné à travers la tenue d’une conférence nationale qui baliserait la voie à une république juste et dynamique, qui servirait le peuple et non les partis corrompus, mais voilà que l’Assemblée des représentants du peuple dilapide un temps précieux dans les querelles futiles et à ériger des statues tirées de l’histoire, persévérant dans l’erreur, alors que la minorité qui n’est pas d’accord avec cette orientation en est réduite à l’impuissance.
«Quant au président de la république, il est en train de guerroyer avec le maire d’une ville moyenne» (par allusion à Fathi Layouni, maire du Kram, Ndlr).
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