Quatre mois après sont installation, le chef du gouvernement Elyès Fakhfakh se trouve déjà sur un siège éjectable, faisant face à une grave crise économique, à une forte grogne sociale et un scandale politico-financier qui l’affaiblit et en fait une marionnette aux mains du principal parti de son improbable coalition gouvernementale : Ennahdha.
Par Imed Bahri
Les membres de Majlis Choura Ennahdha, réunis samedi 27 et dimanche 28 juin 2020 à Hammamet, ont décidé de continuer à soutenir le gouvernement Elyes Fakhfakh, malgré l’éclatement de l’affaire Fakhfakh Gate.
C’est ce qu’a déclaré Ali Larayedh, vice-président du parti islamiste cité par Mosaïque, ajoutant que cette décision a été prise «en tenant compte des efforts fournis par ce gouvernement dans la lutte contre la pandémie du coronavirus et à conduire les affaires du pays en un temps si court», le gouvernement ayant pris ses fonctions fin février dernier.
Une autorité perdue
Le député a cependant ajouté que le soutien d’Ennahdha reste tributaire des résultats des enquêtes qui sont menées sur les soupçons de conflit d’intérêts dans l’attribution d’un marché public, le 17 avril dernier, à une entreprise dont M. Fakhfakh détient une part du capital.
Ces enquêtes judiciaire, parlementaire et administrative sont menées, concomitamment, par le Pôle judiciaire financier, saisi par le député Yassine Ayari, ayant révélé l’affaire, une commission parlementaire et les services de contrôle de l’Etat.
Reste que les temps politique, médiatique et judiciaire n’ont pas le même tempo et il se passera sans doute beaucoup de temps avant que la vérité sur cette affaire sera connue de tous. En attendant, la Tunisie aura un chef de gouvernement ayant perdu toute crédibilité, isolé et totalement affaibli, qui aura du mal à imposer son autorité et, plus grave encore, sera entièrement soumis aux désidératas d’Ennahdha. D’où le soutien que le parti islamiste lui accorde aujourd’hui, après avoir longtemps fait pression sur lui pour élargir sa coalition gouvernementale afin d’y intégrer ses deux satellites du moment, Qalb Tounes et Al-Karama.
Dans l’œil du cyclone
Elyes Fakhfakh a jusque-là résisté à ces pressions, mais pourra-t-il y résister encore plus longtemps ? Qu’on nous permette d’en douter. Car le chef du gouvernement est d’autant plus faible aujourd’hui qu’il fait l’objet d’enquêtes engageant sa dignité même et qu’il n’est adossé à aucun parti, le soutien de ceux de la coalition gouvernementale étant, on l’imagine, conditionné par sa docilité et sa disposition à satisfaire leur demandes, notamment en matière de nominations aux postes clés de l’administration publique.
Il aura du mal aussi à mettre en route les réformes nécessaires et de lutter contre la corruption, comme il s’est engagé à le faire, dans un contexte de crise économique et sociale qui risque s’aggraver au cours des prochaines semaines.
Bref, l’«oiseau rare» recherché par Ennahdha est déjà en cage.
Donnez votre avis